[Le Monde] Vers une « précarisation par le haut » des informaticiens ?

Ils ont fait de longues études, ont le statut de cadres, et travaillent dans un secteur porteur. Pourtant, les informaticiens qui travaillent pour des SSII (société de services spécialisée en ingénierie informatique) sont en première ligne d’une « précarisation par le haut » qui menace de s’étendre, estime le journaliste Nicolas Séné dans un livre engagé qui leur est consacré, « Derrière l’écran de la révolution sociale. »

L’appellation « SSII » regroupe la plupart des entreprises de services en informatique. De la PME aux multinationales comme Atos Origin ou Capgemini, les SSII vendent des prestations : conception d’un site, gestion d’une plate-forme informatique, élaboration d’un logiciel… Les informaticiens qu’elles emploient peuvent travailler dans deux cadres : « au forfait », c’est à dire qu’ils travaillent directement dans les locaux de la SSII et leur travail est facturé au client à la journée ; ou bien « en régie », c’est à dire que l’informaticien travaille directement chez le client, pour une période qui peut aller de quelques jours à plusieurs années.

LA DOMINATION DES COMMERCIAUX

Au sein de la SSII, en plus de son supérieur hiérarchique, l’ingénieur dépend également des commerciaux de l’entreprise, qui disposent d’un grand pouvoir. Ce sont eux qui ont la responsabilité de placer les informaticiens chez les clients ; leur rémunération est directement indexée sur leurs performances. Son intérêt est donc de placer le plus possible de prestataires, le plus vite possible – quitte, dans certains cas, à tricher avec les compétences du salarié. « Lorsque je suis monté dans le taxi pour aller à l’entretien de placement avec mon commercial, il m’a tendu une feuille en me disant que c’était mon CV pour l’entretien. Dessus, il y avait des compétences que je n’avais absolument pas », explique au Monde.fr un ancien salarié d’une grande SSII. « Seule une minorité des offres sert au recrutement. La majorité est utilisée pour trouver des profils (…) Le recrutement est ensuite subordonné à l’obtention du contrat commercial », explique Nicolas Séné.

Pour pouvoir fournir très vite tous types de profils à leurs clients, les SSII pratiquent une politique de recrutements massifs. Elles démarchent les élèves en écoles d’ingénieurs avant leur sortie, et écument les sites de CV en ligne. « J’ai reçu un e-mail me proposant un entretien quinze minutes après avoir publié mon CV sur LinkedIn », s’amuse un salarié d’une autre SSII. Mais ces recrutements en masse ne s’expliquent pas seulement par le dynamisme du secteur : il est aussi « la conséquence de taux de turn-over impressionnants : 15 %, d’après les chiffres de l’Apec pour 2008 », précise Nicolas Séné. « Loin d’exprimer le dynamisme de l’entreprise, cela fait douter quant à leur gestion du personnel », analyse-t-il.

« Je ne nie pas qu’il y ait un turn-over à deux chiffres », explique Philippe Tavernier, président de la Commission social, emploi, formation et vice-président du Syntec numérique, le syndicat patronal des métiers de l’informatique. « Mais ce taux est aussi lié au profil des salariés des SSII : elles recrutent environ un jeune diplômé sur deux. Parmi ces derniers, beaucoup souhaitent se faire une première expérience, puis partent travailler dans une autre entreprise ou pour le client final. Par ailleurs, le travail en SSII peut aussi être exigeant et demande une certaine mobilité : certains salariés, à un moment de leur carrière, préfèrent une plus grande stabilité, dans un environnement connu ».

Une partie de ce turn-over s’explique aussi par les débauchages d’une SSII à l’autre : l’un des reproches récurrents parmi les informaticiens rencontrés par le Monde.fr concerne les difficultés de progression au sein de l’entreprise. « L’entretien annuel se passe toujours de la même manière : ‘tu travailles bien, mais en ce qui concerne les augmentations, cette année c’est compliqué…' », explique l’un d’entre eux. Postuler auprès d’autres SSII devient alors le principal moyen d’obetnir un meilleur salaire, un poste plus intéressant ou une zone géographique particulière. « Je voulais quitter ma SSII, j’ai mis mon CV en ligne; le lendemain, c’est mon responsable hiérarchique qui m’a appelé, il avait vu l’annonce et voulait savoir ce qui n’allait pas », raconte un ingénieur.

DOUBLE HIÉRARCHIE

Sur le papier, les commerciaux n’ont pourtant pas la responsabilité hiérarchique des ingénieurs. Ces derniers ont un référent hiérarchique, au sein de la SSII, qui doit assurer leur encadrement et la gestion des ressources humaines. Une situation complexe en pratique : pour les congés, par exemple, c’est ce supérieur hiérarchique qui doit valider les dates. Mais pour un salarié « en régie », les dates se négocient surtout avec le client, en fonction de ses besoins.

Ce flou dans les rapports hiérarchiques est problématique  sur le plan social comme sur le plan légal, juge Nicolas Séné. « La loi cadre très précisément ce prêt de main-d’œuvre : le salarié doit recevoir ses ordres uniquement de son supérieur hiérarchique dans sa SSII. S’il les reçoit du client, il y a ce qu’on appelle ‘délit de marchandage' », écrit-il. Or, en pratique, le lien entre le salarié « en régie » et son supérieur hiérarchique dans la SSII est très ténu : le plus souvent, l’ingénieur ne rencontre son responsable qu’une à deux fois par an, pour un entretien où sont abordés son travail et ses perspectives. Au jour le jour, c’est avec le client que traite le salarié. « La régie est donc parfaitement illégale. Elle reste en outre la principale cause des mauvaises conditions de travail des informaticiens », poursuit Nicolas Séné.

Pour le Syntec numérique, le système de la régie – qui concerne 150 000 salariés selon l’organisation patronale – n’est pas illégal, mais Philippe Tavernier reconnaît une certaine ambiguïté du statut. « Ces métiers sont des métiers d’expertise, avec des contraintes propres », détaille-t-il. « Pour prendre un point de comparaison, lorsqu’un plombier vient chez vous pour réparer votre salle de bain, il est salarié d’une entreprise de plomberie ; si vous, le client, lui demandez de placer un robinet dix centimètres plus haut, est-ce que vous êtes dans l’illégalité ? Je ne le crois pas. »

L’INTERCONTRAT, PÉRIODE D’INCERTITUDES

Dans ce système qui favorise les placements en flux tendus, la situation peut se compliquer pour les salariés en « intercontrat », c’est à dire la période qui sépare deux placements, surtout si la période se prolonge. « Quand votre supérieur hiérarchique est un commercial, vous représentez alors une charge pour son portefeuille de salariés », écrit Nicolas Séné, qui évoque également le cas de salariés à qui l’on impose de poser des jours de congés ou des RTT durant leur intercontrat. « Le meilleur moyen pour lui de vous rentabiliser est donc de vous trouver à tout prix une nouvelle mission. Ou, plus radical, de vous pousser à partir. Et sur fond de crise, les arguments sont tout trouvés. »

Pourtant, en plus de constituer une pause entre deux missions, les intercontrats sont une occasion rare pour les salariés de se former. Car c’est un autre point qui revient régulièrement dans les critiques des employés de SSII : la très grande difficulté à obtenir des formations, qu’il faut réclamer avec insistance, même entre deux contrats. S’appuyant sur les calculs de l’organisation professionnelle Munci, Nicolas Séné note qu’en 2007, le fonds de financement des formations était largement excédentaire, avec 25 % des sommes collectées non dépensées, indice d’un manque de formations effectuées.

Pour le Syntec, ces excédents s’expliquent surtout par un effort de collecte. « Je ne dis pas que l’on ne peut pas faire mieux, mais les entreprises du secteur dépensent entre 5 % et 6 % de leur masse salariale en formations, soit trois à quatre fois le minimum légal. Sans oublier qu’il y a un droit individuel à la formation : tous les moyens existent aujourd’hui pour bénéficier d’une formation ».

MODÈLE INDUSTRIEL

Mais au-delà de l’intercontrat, inévitable de par la nature des missions, le syndicat patronal souhaiterait pouvoir disposer, en cas de forts ralentissements de l’activité – crise économique, par exemple – du chômage partiel. « Les SSII embauchent en CDI : lorsque les clients finaux sont en difficulté et ne renouvellent pas leurs contrats, les salariés risquent d’être licenciés. Ce n’est pas bon pour l’entreprise, et ce n’est pas bon non plus pour les caisses de l’Etat », justifie Philippe Tavernier.

Actuellement, le chômage partiel est réservé à un secteur bien précis et qui fait face à d’importantes difficultés : l’automobile. Un secteur dont s’inspire directement le secteur de l’informatique, explique Nicolas Séné : recours massif aux sous-traitants des SSII, externalisations à l’étranger, en Inde notamment, gestion qui privilégie les commerciaux au détriment des ouvriers… Une proximité qui s’expliquerait en partie par les liens entre les grands patrons de l’industrie automobile et les SSII : Ernest-Antoine Seillière lui-même, le fondateur du Medef, a beaucoup investi dans Capgemini. « Le petit monde des grandes SSII est en fait un vaste laboratoire social pour le patronat », analyse Nicolas Séné.

Damien Leloup

Source : Le Monde

Thawra fi Tounes*

* Révolution en Tunisie

Ministère de l'intérieur tunisien.

Deux semaines après la chute de ZABA (Zine  el-Abidine Ben Ali), les désillusions s’accumulent au même rythme que le gouvernement transitoire s’installe. Panorama irréaliste ou même les contours d’un changement radical sont dissipés par l’épais nuage du cirque médiatique et des rumeurs de violence. La jeunesse essaye de peindre sa révolution pendant que l’ancien système l’efface à coup de solvant. La peinture se dilue dans l’eau et pourtant…

Rien ou presque n’indique à Tunis qu’un vil despote vient de fuir après plus de deux décennies de corruption, de répression, de censure et d’humiliations.
Sur l’avenue Habib Bourguiba (avenue où se situe le ministère de l’intérieur), les commerces commercent, les serveurs servent et les vendeurs à la criée crient.
Retour à la « normale » donc malgré trois semaines sanglantes.
Ah non, voici une manifestation improvisée de quelques lycéens et étudiants qui s’époumonent devant le ministère de l’intérieur en réclamant le départ de Ghannouchi. Manifestation très vite diluée dans la masse des badauds.

Manifestation de jeunes en Tunisie

Direction donc la Kasbah, lieu de révolte par excellence  où les classes laborieuses des terres venaient se regrouper.
L’accès est bloqué par la police et les murs, témoins des slogans révolutionnaires, ont été repeint. Circulez, il n’y a rien à voir !
Office des douanes à Gabès brulé.
Peut être qu’en bavardant ici et là, les langues se délieront et je pourrai enfin avoir l’impression de respirer dans un pays qui connait son premier soulèvement populaire?
Encore raté, du serveur au chauffeur de taxi, de la femme de ménage à la petite bourgeoisie, deux mots d’ordre: le retour au calme et au travail.
Existe t-il un mot pour poujadisme en arabe ?
Tribunal de Gabès brulé.
Étrange, s’il en est, que ces deux mots d’ordres soient ceux des politiciens et des médias. Abominable spectacle que de voir les complices politique et médiatique de ZABA débattre de la révolution. L’indécence comme vertu chez ces caciques de l’ancien pouvoir. Ainsi les occurrences les plus utilisées sont sécurité (tiens tiens!) et travail. Voila leur logorrhée verbale: »Camardes révolutionnaires, vous avez révolutionné, c’est bien! Maintenant au travail, pendant que nous allons gérés « différemment » les affaires du pays ! ». Différemment avec les mêmes? Et si cette misérable mascarade n’a pas achevé de vous rendre sourd et aveugle, il faut savourer le succulent clip, qui entrecoupe chaque « débat », narrant le merveilleux peuple révolutionnaire. Sur la même chaine qui narrait trois semaines auparavant le ZABA visionnaire. Avec évidemment le même procédé de montage, mono-forme quand tu nous tiens !
Et l’insécurité, ah l’insécurité ! Chaque média, chaque Tunisien vous raconteront une rumeur sur des viols, des attaques aux couteaux, des braquages etc… Du TF1 recyclé en somme. Et chaque rumeur s’évapore pour peu que l’on enquête dessus. Aurait-on appris aux politiques tunisiens que l’épouvantail de l’insécurité permet de contenir la rage sociale du peuple ?
Les techniques du rhouya el kbir (Big Brother) paraissent hermetiques chez les jeunes.
Place du 7 novembre rebaptisée Mohammed Bouazizi.
Mais où sont ces dizaines de milliers de jeunes qui ont bravé les balles des BOP (brigades anti-émeutes) pour enfin se construire un avenir?On peut voir les traces de leurs exploits sur les façades des bâtiments publics ou sur les places. Le 7 novembre ( date du coup d’état de ZABA) est remplacé par Mohammed Bouazizi.
Panneau 7 novembre brulé.
Sinon, on peut les voir à Zarzis (et dans les villes les plus contestataires) où ils ont pris le contrôle de la ville en chassant les sabre-peuple policiers. Ici la jeunesse vit et sourit.
Et rigole même, en observant les noms des indicateurs apparaissant sur une liste parfaitement relayée.

Une des nombreuses listes des indicateurs.Ici donc plus de police mais pas de violence non plus. Et ce n’est pas du fait de la présence militaire devant les bâtiments publiques mais plutôt du bonheur de vivre sans maitres pour vous humilier.

Bref, le round d’observation étant fini, on peut révolutionner à nouveau. Et même être 100 000 pour réclamer et obtenir la démission de Ghannouchi comme le week-end dernier.
De grandes espérances donc envers la jeunesse tunisienne !

Salah, Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT

[OWNI] La Marais noire du web submerge la Hadopi

85431-hadopi-marie-francoise-marais-1024x738L’élection de Marie-Françoise Marais à la présidence de la Hadopi consacre une carrière rondement menée. Retour sur la carrière d’un bon petit soldat des ennemis de l’Internet.

L’affaire Estelle Halliday, qui déboucha sur la fermeture d’Altern.org, pionnier des défenseurs de la liberté d’expression sur le Net, et ses 45 000 sites web ? Marie-Françoise Marais. L’affaire Mulholland Drive, qui statua, par deux fois, que la copie privée n’était pas un droit ? Marie-Françoise Marais. Peu connue du grand public, cette magistrate spécialiste du droit de la propriété intellectuelle a longtemps combattu les droits et libertés des internautes. Mais paradoxalement, sa nomination à la présidence de la Hadopi pourrait être une bonne nouvelle.

1998. Le magazine Entrevue publie des photographies d’Estelle Halliday, nue, “trouvées sur Internet“. Le responsable du site web en question, Altern.org/Silversurfer, les avait en fait scannées dans un vieux numéro d’un autre magazine people, Voici, qui les avait lui-même achetées à un ancien petit ami de la mannequin -ce qui avait d’ailleurs valu à Voici d’être condamné.

Plutôt que de porter plainte contre Entrevue, ou contre le webmaster du site qui avait remis les photos en ligne, Estelle Halliday porta plainte contre l’hébergeur du site web, Valentin Lacambre, pour avoir “gravement porté atteinte à son droit à l’image et à l’intimité de sa vie privée“, lui réclamant 700.000 francs de dommages et 100.000 francs d’astreinte par jour.

Étrangement, jamais la justice ne tenta d’identifier le responsable du site web en question, préférant s’en prendre à la personnalité de son hébergeur. De fait, Valentin Lacambre n’est pas un prestataire comme les autres. Pionnier du Net, il avait fait fortune en créant le 36 15 Internet.

Alors que d’autres faisaient de l’argent avec le minitel rose, Valentin, lui, abhorrait le porno. De fait, il avait coupé l’accès au site de Silversurfer lorsqu’il découvrit le pic de trafic que les photos nues d’Estelle Halliday engendrait.

Pour lui, l’enjeu de l’Internet “est ni plus ni moins que la liberté d’expression au XXIe siècle” :

“Qui aura le droit de publier et à quelles conditions (anonymat,…), qui aura le droit de consulter des documents et à quelle conditions (censure,…) ? Pour ce qui est d’aujourd’hui, je place ce site sous la responsabilité et le contrôle de l’Organisation des Nations Unies.”

D’un point de vue économique, il estime également que l’Internet permettra d’en finir avec l’esclavage” :

“Dans une société ou le travail est mécanisé, il n’y a pas de sens à rémunérer l’homme selon son travail, sauf à le laisser mourir de faim. Quand 300 hommes sont renvoyés pour laisser la place à 300 robots, je dis que les hommes doivent percevoir leur part de l’argent généré par les robots.”

Ce pour quoi, n’ayant pas besoin, pour vivre, de tout l’argent que son 36 15 Internet engendrait, il avait décidé de créer l’un des tous premiers services d’hébergement gratuit mais aussi et surtout sans publicité, Altern.org, qui hébergeait à l’époque plus de 45.000 sites web, dont un grand nombre de sites politiques et d’opinion, comme Valentin Lacambre s’en expliquait au moment de l’affaire Estelle Halliday :

“Altern.org est le seul service qui réponde à la fois à ces deux conditions : gratuit, sans la moindre contrepartie (y compris publicitaire), et ouvert à tous sans aucune discrimination, qui sont pour ceux qui l’ont choisi la garantie d’une totale indépendance, idéologique et commerciale, donc d’une totale liberté d’expression.”

“Veiller à la bonne moralité”

En référé, le juge Jean-Jacques Gomez estima “nécessaire de préciser que le fournisseur d’hébergement a l’obligation de veiller à la bonne moralité de ceux qu’il héberge (…) et au respect par eux des lois et des règlements et des droits des tiers“, enjoignant Valentin Lacambre, sous astreinte de 100.000 francs par jour, à empêcher toute diffusion ultérieure des photographies d’Estelle Hallyday.

Soulignant qu’il était “matériellement impossible de vérifier le contenu de tous les (45.000) sites hébergés à tout instant“, Valentin Lacambre fit appel, laissant entendre qu’en cas de condamnation, il n’aurait d’autre choix que de “fermer boutique“, et les 45.000 sites web d’Altern avec.

Alors que la Commission européenne, s’inspirant directement d’une législation américaine récente relative au droit d’auteur sur ce qu’on appelait à l’époque “les autoroutes de l’information” défendait le principe de l’exonération de responsabilité des fournisseurs d’accès et d’hébergement, Marie-Françoise Marais, qui jugea l’affaire en appel, opta pour l’option responsabilisation.

Elle estima en effet que dans la mesure où Valentin Lacambre avait permis aux internautes de s’exprimer, il “excédait manifestement le rôle technique d’un simple transmetteur d’informations“, et devait donc être tenu pour responsable des propos tenus sur les sites web qu’il hébergeait. Ce pour quoi elle le condamna à 300.000 francs de dommages et intérêts, plus 105.000 francs de frais judiciaires, quand bien même il avait coupé l’accès au site en question.

Valentin Lacambre n’eut d’autre choix que de fermer l’ensemble des sites hébergés sur Altern.org, et ce d’autant que d’autres plaignants avaient décidé, dans la foulée, de s’attaquer à celui qui, à l’époque, incarnait la défense de la liberté d’expression. Les ayant-droits (italiens) de Calimero lui réclamaient en effet 2,53 millions de francs de dommages et intérêts pour usurpation de la marque “c’est vraiment trop injuste“…

De fait, l’affaire Altern ne s’arrêta pas là. Si Valentin Lacambre trouva finalement un accord avec Estelle Halliday (sur la base de 70.000 francs au lieu des 405.000 accordés par Marie-Françoise Marais), le webmaster de Calimero.org (un site sadomasochiste amateur) fut quant à lui condamné, en mars 2000, à 300.000 francs de dommages et intérêts, Valentin Lacambre, en tant qu’hébergeur, écopant quant à lui de 180.000 francs d’amendes et frais de justice, jugement assorti de cette mention qui restera dans les annales de l’histoire de la liberté d’expression :

“Interdit a Mr Lacambre tout usage de la phrase “c’est trop injuste”, sous quelque forme et support que ce soit.”

Dans la foulée, le député (PS) Patrick Bloche proposa, en l’an 2000, d’amender la loi de 1986 relative à la liberté de communication afin de garantir la liberté d’expression, cantonner le rôle des hébergeurs à celui de simple prestataire technique, et donc éviter de nouvelles affaires Altern.

Dans les faits, et au cours de la navette parlementaire, l’amendement Bloche fut détourné de sa finalité première. D’une part parce qu’il obligea ceux qui veulent s’exprimer sur le web à décliner leur identité (noms, prénoms et adresse) à leurs hébergeurs.

D’autre part parce que ces derniers devinrent des auxiliaires de justice, sinon des indic’, tenus de procéder à des diligences appropriées en cas de mise en demeure par des tiers, autrement dit de censurer tout contenu accusé (à tort, ou à raison) de ne pas respecter la loi, ouvrant la voie à la très longue saga de la responsabilité des hébergeurs.

Mais pour Marie-Françoise Marais, cette loi, destinée à protéger les hébergeurs, et donc la liberté d’expression, allait encore trop loin. Ce pour quoi, 10 ans après, elle remit le couvert, à l’occasion de l’affaire Tiscali qui, en janvier 2010, vit la Cour de Cassation, dont la rapporteure et conseillère était Mme Marais souligner que “la société Tiscali média a offert à l’internaute de créer ses pages personnelles à partir de son site et aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion“.

Dès lors, et “par ces seules constatations souveraines faisant ressortir que les services fournis excédaient les simples fonctions techniques de stockage“, Tiscali ne pouvait pas bénéficier du régime protecteur des hébergeurs adopté par la loi de l’an 2000 suite à l’affaire Estelle Halliday dont cette même Marie-Françoise Marais avait été l’instigatrice à l’insu de son plein gré…

“Ne laissez pas l’argent détruire la musique”

Après avoir ainsi contribué à faire fermer 45.000 sites web, à l’identification préalable de ceux qui veulent s’exprimer sur le web, et à la privatisation de la justice par des opérateurs privés, invités à servir d’indic’, Marie-Françoise Marais décida de s’attaquer à ceux qui, sur leurs sites web, se permettent de faire des liens vers d’autres sites web, démarche qualifiée de “délibérée et malicieuse“.

NRJ accusait en effet sa concurrente Europe 2 de contrefaçon et de concurrence déloyale, et lui réclamaient 500.000 francs de dommages et intérêts. Le motif du courroux” de la radio de Jean-Paul Baudecroux ? Europe 2 “présentait sur son site Internet une rubrique intitulée ‘Anti-NRJ’, donnant directement accès, au moyen d’un lien hypertexte, à une page d’un site suédois reproduisant la marque susdite au milieu d’un panneau d’interdiction de stationner et comportant, sous l’intitulé “The (un)official NRJ-Hatepage” (“La page (non)officielle de haine à l’égard de NRJ”) un texte en langue anglaise contenant des propos suivants” qui préfiguraient bien le désamour grandissant des internautes envers l’industrie musicale auquel nous assistons depuis l’apparition du .mp3 :

“Cette page est créée pour faire réfléchir les stations de radio comme NRJ à ce qu’elles font. La musique est quelque chose de personnel et, comme nous le savons tous, nous sommes tous des individus avec des opinions et des pensées différentes.

Le problème principal que j’entrevois est que presque toutes les stations de radio ou les chaînes musicales comme MTV n’en ont cure et se foutent des minorités musicales ou de la musique que, simplement, elles n’aiment pas et qui ne leur rapportent pas assez d’argent.

Comme vous le voyez, l’argent et le mercantilisme sont les grandes plaies et constituent la raison pour laquelle de nombreuses personnes manquent aujourd’hui d’intelligence musicale parce qu’elles écoutent de la musique commerciale de merde. Oui, j’appelle ça de la musique de merde parce que ce n’est pas artistique et en tout cas pas créatif et personnel. Je pourrais en écrire bien plus long sur cette corruption musicale, mais je pense que c’est suffisant pour que vous vous rendiez compte des dégâts que l’argent peut faire dans la scène musicale.

Ce que j’exige de vous qui êtes impliqués dans cette corruption, c’est plus de professionnalisme et de respect à l’égard des musiciens véritablement talentueux au lieu de soutenir des musiciens commerciaux, manipulés et qui ne sont pas des artistes.

Haine est un mot fort et c’est rarement une solution à un quelconque problème, mais quand des stations de radio commerciales et corrompues comme NRJ ne font que passer de la musique qui ne stimule pas le cerveau humain, la haine grandit à l’intérieur et on réalise que quelque chose doit être fait pour préserver les éléments artistiques de la musique.

Alors pourquoi ne pas mettre votre nom sur la liste qui suit pour montrer que vous vous souciez de l’avenir de la musique et que vous détestez l’attitude musicale de l’une des plus grandes stations de radio commerciales d’aujourd’hui : NRJ.

Ne laissez pas l’argent détruire la musique.

Soutenez la campagne.”

En première instance, le tribunal avait estimé que la mention”anti-NRJ” constituait bien un “acte de contrefaçon de marque“, qu’il ne relevait pas pour autant de la “concurrence déloyale” mais qu’il constituait tout de même un “élément dénigrant“, et avait condamné Europe 2 à 1 franc d’indemnité symbolique, estimant qu’elle “ne pouvait être tenue pour responsable du contenu du site (suédois) auquel elle a permis un acte direct par un lien de connexion hypertexte“.

En septembre 2001, Marie-Françoise Marais condamna, en appel, Europe 2 à 500.000 francs de dommages et intérêts, plus 100.000 francs pour l’insertion de sa décision dans deux journaux, au motif que “la mention “anti-NRJ” reproduite par la société Europe 2 Communication sur son site constituait un acte de contrefaçon de marque (et) de concurrence déloyale” dans la mesure où “la création de ce lien procède d’une démarche délibérée et malicieuse, entreprise en toute connaissance de cause“.

D’aucuns commencèrent alors à expliquer que “le lien hypertexte, même s’il participe de l’essence même du web, peut se révéler un instrument dangereux dont l’utilisation abusive doit être sanctionnée” dans la mesure où il serait une “arme redoutable“. Fear…

Les menottes sont la règle, la liberté l’exception

Vice-présidente du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, membre de l’Autorité de Régulation des Mesures Techniques (ARMT) créée par la loi DADVSI et, en tant que “personnalité qualifiée” et à “titre personnel“, au Comité National Anti-Contrefaçon (CNAC), Marie-Françoise Marais ne pouvait pas ne pas se pencher sur le droit à la copie privée.

Ce qu’elle fit dans la célèbre affaire “Mulholland Drive“, du nom du film de David Lynch dont le DVD avait été protégé par un DRM (Digital Rights Management), ou MTP (“Mesures Techniques de Protection”), qualifiées, par leurs opposants, de “menottes numériques” destinées à limiter nos libertés.

Un cinéphile, frustré de ne pas pouvoir réaliser de copie privée de son DVD, avait attaqué l’éditeur et réclamait l’annulation de la vente. Maître Eolas a longuement commenté cette saga qui vit Marie-Françoise Marais, en tant que rapporteure à la Cour de cassation, s’illustrer par deux fois en cassant un précédent arrêt plus favorable aux consommateurs.

En 2006, elle rappelait que la copie privée n’est pas un droit, mais une exception au principe de l’interdiction de toute copie de l’œuvre et, comme le soulignait alors maître Eolas, commençait donc à appliquer la loi DADVSI, “avant même qu’elle ne soit votée” :

“L’exception de copie privée s’apprécie au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique quant à la sauvegarde des droits d’auteur et de l’importance économique que l’exploitation de l’œuvre, sous forme de DVD, représente pour l’amortissement des coûts de production cinématographique”

En clair, comme le résumait Marc Rees sur PCInpact, “avant de copier un DVD, un individu doit faire une thèse en économie pour savoir si la copie de ce DVD qu’il envisage va générer des risques ou un préjudice injustifié au marché“.

Une décision confirmée par cette même cour de cassation, dont Marie Françoise Marais était encore la rapporteure, en 2008, au motif que “que l’impossibilité de réaliser une copie privée d’un disque DVD sur lequel est reproduite l’œuvre ne constituait pas une caractéristique essentielle“.

En clair : le fait d’être traité comme un “voleur” parce qu’on ne peut pas lire le CD ou le DVD (qu’on a pourtant acheté) sur son ordinateur est tout à fait conforme à la loi. Les internautes n’ont que le droit d’utiliser des systèmes Windows, voire Mac, mais surtout pas GNU/Linux, pas plus qu’ils n’ont le droit de pouvoir lire les films ou chansons qu’ils ont pourtant acheté sur leurs baladeurs numériques, auto-radio ou PC de bureau…

“Vive l’Hadopi !”

Chevalier de la légion d’honneur depuis 2001, officier de l’ordre national du Mérite depuis 2008, Marie-Françoise Ouvray, épouse Marais, âgée de 65 ans, a été mise à la retraite le 20 mai 2010, le décret précisant que sa date de “fin de maintien en activité en surnombre” était portée au 19 mai 2013.

Le décret relatif à l’organisation de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet précise, lui, que la durée du mandat de son président est de six ans. Nombreux sont ceux qui pensent que l’Hadopi aura autant de succès que l’épouvantail à moineaux que fut la DADVSI, et que l’efficacité de cette usine à gaz sera inversement proportionnelle à l’argent qu’elle aura coûté.

En attendant de savoir ce qu’il adviendra de Marie-Françoise Marais après le 19 mai 2013, son élection à la tête de l’Hadopi est peut-être et paradoxalement une bonne nouvelle. C’est en tout cas ce que pense Valentin Lacambre :

“Marais est en croisade depuis longtemps. C’est pas un juge, c’est un soldat !

Au moins, depuis qu’elle est à l’Hadopi, elle ne peut plus juger les affaires Internet, et comme c’était le dernière juge viscéralement contre Internet au TGI de paris, vive Hadopi, parce que grâce à l’Hadopi, on aura de meilleurs jugements, sans Marais…

En fait, vu que l’Hadopi ne sert à rien, Marais ne sert plus à rien, et elle s’est annulée toute seule :)”

Source : OWNI
Marc Rees pour la photo de Marie-Françoise Marais.

Au coeur de la révolte Tunienne

ministereinterieur tunis

Lundi 31 janvier 2011

Arrivée à Tunis, dès l’aéroport on sent la différence. Très petite présence policière. Les contrôles se font rapidement et les flics ont l’air d’être énervé de ne plus avoir le rapport de domination sur les voyageurs. Ils tirent une tronche d’ enterrement ! 🙂
Sinon, je suis passé sur l’avenue Bourguiba ou la situation est schizophrénique. Présence pesante de l’armée et des keufs. Les rues sont bondées de badauds qui font du lèche vitrine ou squattent dans les cafés pendant que plusieurs groupes de manifestants s’improvisent. Certains se sont fait demontés par les keufs ( video disponible sur la page Facebook Takriz). La rencontre avec Souad, syndicaliste dans l’agriculture, 2 avocates et un journaliste s’est super bien passée. Demain interview sur la situation en générale et surtout avec  comité de défense des femmes qui parleront de leur conditions et de leur peur des islamistes.

 

Salut camarades, dès l’aéroport on sent la différence. Très petite présence policière. Les contrôles se font rapidement et les flics ont l’air d’être énervé de ne plus avoir le rapport de domination sur les voyageurs. Ils tirent une tronche d’ enterrement ! 🙂
Sinon, je suis passé sur l’avenue Bourguiba ou la situation est schizophrénique. Présence pesante de l’armée et des keufs. Les rues sont bondées de badaud qui font du lèche vitrine ou squattent dans les cafés pendant que plusieurs groupes de manifestants s’improvisent. Certains se sont fait demontés par les keufs ( video disponible sur la page Facebook Takriz). La rencontre avec Souad, syndicaliste dans l’agriculture, 2 avocates et un
journaliste s’est super bien passée. Demain interview sur la situation en générale et surtout avec  comité de défense des femmes qui parleront de leur conditions et de leur peur des islamistes.

A demain camarades!

Ps: relou le couvre feu à 22 heures, même pas le temps de boire une bière … 🙁

Solidarité avec le membre des Anonymous arrété

Anonymous

La gendarmerie a annoncé avoir arrêté le 16 décembre dernier un jeune lycéen du Puy de Dôme qui militait au sein des Anonymous.

Pour rappel, les Anonymous avaient réagi contre la répression d’état qui s’est abattue sur Julian Assange le fondateur de Wikileaks qui révèle les coups tordus de nos soi-disant « représentants ». Le FBI avait pression sur Visa et Mastercard pour leur interdire les payements sur Wikileaks pour asphyxier financièrement me site, et maintenir l’opacité de la raison d’état. En représailles, les Anonymous avaient déclenché des représailles contre Visa et Mastercard  en déclenchant des déni de service.

Les cybergendarmes ont identifié quinze serveurs en France qui ont mené ces représailles., en parallèle avec des serveurs d’autres pays. Pendant que les polices de nos « démocraties » menaient des arrestations coordonnées en Angleterre, aux USA , la gendarmerie a arrêté ce lycéen pour entrave à un système informatique

Pour avoir géré trois serveurs et s’en être pris à la sacro-sainte économie numérique, il risque jusqu’ à cinq ans de prison. La justice statuera en février sur les éventuelles suites à donner à ses agissements.

Le lieutenant-colonel gui a dirigé l’opération a déclaré à la presse. « Ils sont très jeunes et pour beaucoup, c’est leur naïveté qui les entraîne à suivre des gens, sans avoir conscience de leurs actes. Ils ont l’impression de faire une bonne action voire de commettre un acte héroïque, sauf qu’entraver le bon fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données constitue une infraction pénale passible de maximum 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende ».

Mais ou est la naïveté ? N’est elle pas plutôt chez ceux qui s’imaginent qu’il est normal d’aller en prison pour avoir fait circuler une information dans une démocratie? La gendarmerie a-t-elle l’impression de faire une bonne action ou un acte héroïque en défendant Visa  et Mastercard ? Faut il accepter que la diplomatie secrète continue encore longtemps à soutenir des dictatures dans le dos des peuples ? La collusion entre les forces répressives d’état et les puissances bancaires nous apporte –t-elle vraiment un monde de libertés ?

Nous apportons tout notre soutien au jeune arrêté pour avoir défendu la liberté de faire circuler l’information. Nous demandons sa libération, et la suppression de cette loi sur l’entrave à un système informatique.

tunisie:~# apt-get install revolution

Janvier 2011. Les tunisiens ont chassé Ben Ali, le dictateur qui les tenaient sous sa férule depuis vingt-quatre années. D’abord contestation populaire, le mouvement s’est mué en insurrection puis en révolution. Révolution ? Oui, parce que le régime a été balayé. Un nouveau est en train de se mettre en place, dont rien ne garantit encore qu’il répondra aux espoirs des tunisiens. Du moins aux échos de leurs espoirs que l’on entend en France : autogestion, fin des privilèges, démocratie directe…

Les événements sont encore en gestation. Mais il est d’ores et déjà possible de souligner quelques aspects édifiants de ce mouvement.

D’abord, il s’agit d’un mouvement populaire qui est né, a cru et a finalement fait plier le pouvoir sans avoir été impulsé ou entretenu par une organisation ou une coalition d’organisations. Spontanément, dans toute la force du terme, le peuple s’est mis en marche. L’armée a refusé de tirer dans la foule ? L’armée tunisienne est essentiellement constituée de conscrits, l’explication est probablement là, plus que dans les décisions de l’état major…

Il est possible que le peuple accepte maintenant, et une fois les résidus du parti unique mis à l’écart, l’établissement d’une « démocratie » républicaine qui se fera la garante des privilèges d’une classe possédante, comme chez nous. Mais l’histoire est désormais enrichie d’un nouveau cas de soulèvement populaire spontané qui a réussi à faire trébucher un pouvoir – quels sont les autres, au fait ? Aux millions de français qui fondent leur adhésion à notre système démocratique sclérosé et injuste sur leur résignation face à l’emprise des possédants et de leurs laquais politiques, puisse le sursaut des tunisiens servir d’exemple : rien n’est inéluctable, nous pouvons tout.

Il est aussi possible que les tunisiens aillent plus loin et inventent de nouvelles formes d’organisation sociale, politique, de nouveaux rapports avec les puissances étrangères, d’autres avenirs que ceux que les démocrates capitalistes considèrent comme la forme ultime et indépassable de système politique.

Et quel plaisir de recevoir enfin des nouvelles d’un pays arabe qui n’ont rien à voir avec l’islam. La révolte est née dans les villes les plus pauvres de la Tunisie, là où ont convergé des revendications de justice sociale et de liberté. Bien sûr que des aspirations à la justice et à la liberté existent partout dans le monde arabe. Mais nos médias, chevauchant le cliché du choc des civilisations, préfèrent en général exhiber du barbu. Là, ils n’ont pas pu. D’abord parce que les islamistes ont été rejetés, chassés par les foules lorsqu’ils se montraient dans la rue, ensuite parce que les gens ont fait leurs propres médias, par internet.

Les tunisiens ont su prendre des risques. Et, hélas, les flics ont tué plusieurs dizaines de personnes. Rien, jamais, ne justifie la mort d’un homme. Mais si ces hommes n’avaient pas pris ces risques, rien n’eut été possible.

L’imprévisible spontanéité d’un peuple est parvenue à mettre à bas une dictature organisée pour durer. Certes, il lui reste encore à finir le travail en virant les caméléons de l’ancien régime. Mais quoi qu’il advienne – les silences des hiérarques parisiens n’y ont rien changé – plus rien de sera plus comme avant. Ces événements ont fait du bien à la Tunisie. Ces événements nous montrent à tous la possibilité que nous avons de bouleverser l’ordre établi.

24 janvier, renégociation de la convention unedic : prolongement de la misère !

Communiqué confédéral
Alors que « leur crise » a plongé des centaines de milliers de travailleurs de plus dans le chômage. Alors qu’on a annoncé 1 million de chômeurs en fin de droit pour 2010. Alors que près de 40 000 chômeurs sont radiés chaque mois. Alors que les indemnités sont bien trop faibles pour pouvoir vivre décemment. Alors que la moitié des chômeurs ne perçoivent pas d’indemnités, on nous annonce que cette négociation* s’orienterait vers une reconduction du dispositif de l’ancienne convention !

ChapeauLa CNT dénonce ce cynisme scandaleux et revendique une meilleure indemnisation des chômeurs avec :

– Taux de remplacement à 100 % de l’ancien salaire en parallèle d’une hausse des salaires
– Arrêt des exonérations de cotisations sociales qui par ailleurs n’ont jamais prouvé leur efficacité en terme d’emploi
– Arrêt des radiations
– Non basculement des chômeurs en fin de droits vers la charité nationale pour rester dans un régime de solidarité.

Bien sûr le partage du travail et des richesses produites entre toutes et tous reste l’objectif pour lequel nous luttons.

Le MEDEF ne l’entend pas de cette oreille et souhaite reconduire cette situation misérable. Les travailleurs sont de plus en plus précarisés et soumis à la peur du chômage. Les chômeurs sont de plus en plus surveillés et soumis à la peur de la radiation. Les gens en sont réduits à accepter des conditions de travail de plus en plus dégradées et des salaires de plus en plus bas. Et cela nous ne pouvons l’accepter.

En tant qu’organisation syndicale nous observerons avec attention cette négociation et continuerons à lutter contre cette vaste escroquerie qu’est le chômage, épée de Damoclès du patronat au-dessus des travailleurs.

* La convention sera négociée, à partir du 24/01/11, entre « partenaires sociaux » , organisations patronales et les organisations syndicales voulant bien se prêter à cette comédie.

1910 – Naissance de la CNT

1910 - Naissance de la cntIl  y  a  cent  ans, l’immense  majorité  des  délégués  ouvriers  présents  au 2nd congrès (30 octobre-1er novembre 1910) de la confédération catalane Solidaridad Obrera décidaient, dès la deuxième session de leur assemblée, de  transformer  l’organisation  régionale  catalane  en  une  confédération nationale,  regroupant  toutes  les  sociétés  ouvrières  espagnoles  restées  à l’écart  de  l’Union  générale  des  travailleurs,  d’obédience  socialiste.
Constituée en juin 1907 dans le but de rassembler tous les travailleurs de Barcelone sur des bases purement économiques, Solidaridad Obrera avait indiqué le chemin à suivre pour permettre au mouvement ouvrier barcelonais de sortir peu à peu du marasme causé par le fort chômage existant dans la ville et l’échec de la grève générale de 1902. En septembre 1908, au  cours  du  1 er congrès  de  l’organisation  ouvrière,  celle-ci  s’était  transformée  en  une  confédération  régionale,  au  sein  de  laquelle  coexistaient encore  républicains  fédéraux,  socialistes  et  anarchistes.  Prévu  pour  l’été 1909, le congrès suivant devait envisager la transformation de SO en une confédération  nationale  mais  les  événements  de  la  fin  juillet  1909 –  la «  Semaine tragique», le nom donné aux sept jours pendant lesquels la capitale catalane, la légendaire «  Rose de feu  », s’embrasa une fois de plus  – en décideraient autrement.

Reporté à la fin du mois d’octobre de l’année 1910, le congrès organisé au Palacio de Bellas Artes allait entériner la naissance d’une nouvelle confédération ouvrière, fondée sur le principe de l’action directe, et très proche dans  son  inspiration  de  la  CGT  française  de  l’époque,  encore  dominée alors par le courant syndicaliste révolutionnaire.
Le présent volume est la traduction du compte rendu paru le 4 novembre 1910 dans les colonnes de « Solidaridad Obrera », l’organe hebdomadaire de la confédération SO depuis 1907.

À défaut des actes de ce congrès,  ce compte  rendu  –  inédit  à  ce  jour  en  langue  française  –  est  le  seul document que nous ayons sur la naissance de la Confederación Nacional del Trabajo, le syndicat qui sera appelé à marquer de sa forte empreinte l’histoire sociale espagnole des décennies suivantes.

Les Éditions CNT-RP se devaient de le publier, à l’occasion du centenaire de la fondation d’une organisation  qui  reste  aujourd’hui  encore,  par  le  courage  et  l’intransigeance de ses militants, un exemple à suivre pour les travailleurs du monde entier.

1910 – NAISSANCE DE LA CNT, Congrès de constitution, Barcelone, Palais des Beaux-Arts, 30octobre – 1er novembre 1910, éditions CNT-RP
Prix 15 euros, frais de port 2,30 euros.

À commander à CNT Service Librairie, 33, rue des Vignoles 75020 Paris.
Chèques à l’ordre de CNT-SL.

http://www.editions-cnt.org/

2011, l’année du changement !

La ronde des patronsC’est la nouvelle année ! Mais rien de bien neuf à se mettre sous la dent. Les salaires sont toujours aussi bas. Et c’est pas la hausse minable du SMIC qui va inverser la vapeur.

D’ailleurs on va finir par croire que ce salaire minimum devient le salaire maximum (selon l’INSEE, en 2008, 25 % des travailleurs gagnaient moins de 0,73 smic et les 25 % suivants gagnaient de 0,73 à 1,36 smic). Le smic va donc s’établir à 1073 € quand beaucoup s ’accordent pour dire qu’on commence à ne pouvoir vivre décemment qu’à partir de 1500 €.
Pendant ce temps les prix continuent de grimper, du gaz à l’essence ça devient hallucinant, à quand le litre de gasoil à 1,50 € ! Bientôt ça coûtera trop cher d’aller bosser ! Mais c’est la crise, faut se serrer la ceinture nous disent les intelligents d’en haut.

Mais elle est où la crise quand on voit les résultats des entreprises du CAC 40 ? Les prévisions pour 2010 parlent de près de 80 milliards de résultat pour ces entreprises, soit une hausse de près de 100 % par rapport à l’année précédente. 2009 fut moins fructueuse et pourtant, cette année là, les patrons de ces grandes boîtes ont palpé en moyenne 3,06 millions d’euros de rémunération pour l’année soit 190 années de smic !
C’est une moyenne parce que par exemple Carlos Ghosn, pdg de Renault, avait touché 9,2 millions d’euros pour 2009. Ca nous rappelle que la prime à la casse s’arrête enfin, c’est à dire qu’on va arrêter de financer l’industrie automobile avec nos impôts pour leur permettre de nous faire des réductions sur le prix des voitures. En gros on a assuré ces derniers temps les profits, les dividendes et les salaires astronomiques des dirigeants de ces industries avec de l’argent public. Mais il n’y en a pas pour sauver la sécu, les retraites…. attention, on vous voit venir !

Plus que jamais, l’heure est à l’organisation. La lutte de cet automne a montré combien le Syndicalisme Révolutionnaire et l’Anarchosyndicalisme étaient efficace et d’actualité.
La tactique du blocage de l’économie à prouvé son efficacité. Il faut maintenant construire des syndicats capables d’aller plus loin dans ce blocage par le développement des caisses de grèves, la formation à l’autogestion des luttes et bien sûr la formation à la reprise des moyens de production. Lutter au quotidien, s’organiser, se syndiquer CNT.

Justice sociale et rage populaire en Afrique du nord

Justice sociale au maghreb.Que ce soit en Algérie, en Tunisie ou au Maroc, les luttes sont partout les mêmes et poursuivent des objectifs similaires : dénoncer la politique de précarité et d’exclusion, dénoncer la hausse des prix, exiger le respect des libertés fondamentales et l’amélioration des conditions de vie, condamner enfin l’escalade de terreur que, depuis plusieurs semaines, subissent les manifestants.

Malgré le dédain de la communauté internationale qui, par un laconique appel de Ban Ki-moon à « la retenue et au dialogue » choisit de passer sous silence ces événements, malgré la désinformation intéressée des médias, toujours frileux à l’heure de décrire l’envergure de la répression, le nombre des victimes, et l’importance de cette révolte, la mobilisation spontanée, solidaire, massive, ne cesse de s’étendre : en Tunisie, elle a finit par gagner la capitale, où la répression est brutale.

La rébellion se généralise. Les mobilisations en cours dans ces trois pays sont l’expression du mécontentement, de la colère et du désespoir de la population -et en particulier, de la jeunesse- contre une politique totalitaire qui non seulement dégrade les conditions de travail et de vie de la population, mais applique aussi la stratégie de la terreur pour étouffer la moindre revendication.

Le bilan des affrontements demeure incertain : le nombre de victimes ne cesse de s’alourdir. Les chiffres avancés ne sont que des estimations qui laissent à penser à une réalité encore plus inquiétante, lorsqu’on apprend que les émeutes du week-end ont laissé des blessés si nombreux qu’on ne peut plus les compter. La répression est sanglante : les policiers, et à présent l’armée, sont dans la rue depuis le début du mouvement. Des gaz lacrymogènes très forts ont été massivement utilisés. Les agressions physiques, les enlèvements, les disparitions se multiplient. La police tire à balles réelles sur les manifestants et certaines villes subissent un état de siège depuis plusieurs jours.

L’Algérie connaît depuis quelques jours des épisodes de révolte qui ont également fait plusieurs morts, des blessés et plus de mille personnes ont été arbitrairement arrêtées. Au Maroc, la répression est tout aussi sanglante : des blessés lors des manifestations, des personnes arrêtées qui ont subi des tortures, les rassemblements de soutien à la Tunisie ont été interdits.

À présent, Ben Ali quitte le pouvoir promettant ainsi le retour au calme ; cependant, ce geste est peu rassurant face à la présence de plus en plus massive de militaires dans les rues, au couvre feu imposé et à la détresse de la population qui craint encore le pire.

La Confédération Nationale du Travail réitère son indignation face à la violence subie par la population de ces pays. Nous dénonçons, une fois de plus, les politiques de terreur et nous exigeons l’arrêt immédiat des tueries, la libération immédiate des personnes incarcérées ainsi que l’arrêt des poursuites judiciaires entamées à leur encontre.

Nous condamnons également le collaborationnisme de l’état français qui, non content de piller systématiquement ces pays, propose ouvertement, par la voix de M. Alliot-Marie, son aide à la répression.

Nous appelons à des actions, à des mobilisations, ici et ailleurs, pour exiger la fin immédiate de la répression. Nous appelons à la solidarité urgente, dans chaque ville, dans chaque pays, avec nos camarades algériens, tunisiens, marocains.

Un coup contre l’un d’entre nous est un coup contre tous !