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Janvier 2011. Les tunisiens ont chassé Ben Ali, le dictateur qui les tenaient sous sa férule depuis vingt-quatre années. D’abord contestation populaire, le mouvement s’est mué en insurrection puis en révolution. Révolution ? Oui, parce que le régime a été balayé. Un nouveau est en train de se mettre en place, dont rien ne garantit encore qu’il répondra aux espoirs des tunisiens. Du moins aux échos de leurs espoirs que l’on entend en France : autogestion, fin des privilèges, démocratie directe…

Les événements sont encore en gestation. Mais il est d’ores et déjà possible de souligner quelques aspects édifiants de ce mouvement.

D’abord, il s’agit d’un mouvement populaire qui est né, a cru et a finalement fait plier le pouvoir sans avoir été impulsé ou entretenu par une organisation ou une coalition d’organisations. Spontanément, dans toute la force du terme, le peuple s’est mis en marche. L’armée a refusé de tirer dans la foule ? L’armée tunisienne est essentiellement constituée de conscrits, l’explication est probablement là, plus que dans les décisions de l’état major…

Il est possible que le peuple accepte maintenant, et une fois les résidus du parti unique mis à l’écart, l’établissement d’une « démocratie » républicaine qui se fera la garante des privilèges d’une classe possédante, comme chez nous. Mais l’histoire est désormais enrichie d’un nouveau cas de soulèvement populaire spontané qui a réussi à faire trébucher un pouvoir – quels sont les autres, au fait ? Aux millions de français qui fondent leur adhésion à notre système démocratique sclérosé et injuste sur leur résignation face à l’emprise des possédants et de leurs laquais politiques, puisse le sursaut des tunisiens servir d’exemple : rien n’est inéluctable, nous pouvons tout.

Il est aussi possible que les tunisiens aillent plus loin et inventent de nouvelles formes d’organisation sociale, politique, de nouveaux rapports avec les puissances étrangères, d’autres avenirs que ceux que les démocrates capitalistes considèrent comme la forme ultime et indépassable de système politique.

Et quel plaisir de recevoir enfin des nouvelles d’un pays arabe qui n’ont rien à voir avec l’islam. La révolte est née dans les villes les plus pauvres de la Tunisie, là où ont convergé des revendications de justice sociale et de liberté. Bien sûr que des aspirations à la justice et à la liberté existent partout dans le monde arabe. Mais nos médias, chevauchant le cliché du choc des civilisations, préfèrent en général exhiber du barbu. Là, ils n’ont pas pu. D’abord parce que les islamistes ont été rejetés, chassés par les foules lorsqu’ils se montraient dans la rue, ensuite parce que les gens ont fait leurs propres médias, par internet.

Les tunisiens ont su prendre des risques. Et, hélas, les flics ont tué plusieurs dizaines de personnes. Rien, jamais, ne justifie la mort d’un homme. Mais si ces hommes n’avaient pas pris ces risques, rien n’eut été possible.

L’imprévisible spontanéité d’un peuple est parvenue à mettre à bas une dictature organisée pour durer. Certes, il lui reste encore à finir le travail en virant les caméléons de l’ancien régime. Mais quoi qu’il advienne – les silences des hiérarques parisiens n’y ont rien changé – plus rien de sera plus comme avant. Ces événements ont fait du bien à la Tunisie. Ces événements nous montrent à tous la possibilité que nous avons de bouleverser l’ordre établi.

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