Thawra fi Tounes*

* Révolution en Tunisie

Ministère de l'intérieur tunisien.

Deux semaines après la chute de ZABA (Zine  el-Abidine Ben Ali), les désillusions s’accumulent au même rythme que le gouvernement transitoire s’installe. Panorama irréaliste ou même les contours d’un changement radical sont dissipés par l’épais nuage du cirque médiatique et des rumeurs de violence. La jeunesse essaye de peindre sa révolution pendant que l’ancien système l’efface à coup de solvant. La peinture se dilue dans l’eau et pourtant…

Rien ou presque n’indique à Tunis qu’un vil despote vient de fuir après plus de deux décennies de corruption, de répression, de censure et d’humiliations.
Sur l’avenue Habib Bourguiba (avenue où se situe le ministère de l’intérieur), les commerces commercent, les serveurs servent et les vendeurs à la criée crient.
Retour à la « normale » donc malgré trois semaines sanglantes.
Ah non, voici une manifestation improvisée de quelques lycéens et étudiants qui s’époumonent devant le ministère de l’intérieur en réclamant le départ de Ghannouchi. Manifestation très vite diluée dans la masse des badauds.

Manifestation de jeunes en Tunisie

Direction donc la Kasbah, lieu de révolte par excellence  où les classes laborieuses des terres venaient se regrouper.
L’accès est bloqué par la police et les murs, témoins des slogans révolutionnaires, ont été repeint. Circulez, il n’y a rien à voir !
Office des douanes à Gabès brulé.
Peut être qu’en bavardant ici et là, les langues se délieront et je pourrai enfin avoir l’impression de respirer dans un pays qui connait son premier soulèvement populaire?
Encore raté, du serveur au chauffeur de taxi, de la femme de ménage à la petite bourgeoisie, deux mots d’ordre: le retour au calme et au travail.
Existe t-il un mot pour poujadisme en arabe ?
Tribunal de Gabès brulé.
Étrange, s’il en est, que ces deux mots d’ordres soient ceux des politiciens et des médias. Abominable spectacle que de voir les complices politique et médiatique de ZABA débattre de la révolution. L’indécence comme vertu chez ces caciques de l’ancien pouvoir. Ainsi les occurrences les plus utilisées sont sécurité (tiens tiens!) et travail. Voila leur logorrhée verbale: »Camardes révolutionnaires, vous avez révolutionné, c’est bien! Maintenant au travail, pendant que nous allons gérés « différemment » les affaires du pays ! ». Différemment avec les mêmes? Et si cette misérable mascarade n’a pas achevé de vous rendre sourd et aveugle, il faut savourer le succulent clip, qui entrecoupe chaque « débat », narrant le merveilleux peuple révolutionnaire. Sur la même chaine qui narrait trois semaines auparavant le ZABA visionnaire. Avec évidemment le même procédé de montage, mono-forme quand tu nous tiens !
Et l’insécurité, ah l’insécurité ! Chaque média, chaque Tunisien vous raconteront une rumeur sur des viols, des attaques aux couteaux, des braquages etc… Du TF1 recyclé en somme. Et chaque rumeur s’évapore pour peu que l’on enquête dessus. Aurait-on appris aux politiques tunisiens que l’épouvantail de l’insécurité permet de contenir la rage sociale du peuple ?
Les techniques du rhouya el kbir (Big Brother) paraissent hermetiques chez les jeunes.
Place du 7 novembre rebaptisée Mohammed Bouazizi.
Mais où sont ces dizaines de milliers de jeunes qui ont bravé les balles des BOP (brigades anti-émeutes) pour enfin se construire un avenir?On peut voir les traces de leurs exploits sur les façades des bâtiments publics ou sur les places. Le 7 novembre ( date du coup d’état de ZABA) est remplacé par Mohammed Bouazizi.
Panneau 7 novembre brulé.
Sinon, on peut les voir à Zarzis (et dans les villes les plus contestataires) où ils ont pris le contrôle de la ville en chassant les sabre-peuple policiers. Ici la jeunesse vit et sourit.
Et rigole même, en observant les noms des indicateurs apparaissant sur une liste parfaitement relayée.

Une des nombreuses listes des indicateurs.Ici donc plus de police mais pas de violence non plus. Et ce n’est pas du fait de la présence militaire devant les bâtiments publiques mais plutôt du bonheur de vivre sans maitres pour vous humilier.

Bref, le round d’observation étant fini, on peut révolutionner à nouveau. Et même être 100 000 pour réclamer et obtenir la démission de Ghannouchi comme le week-end dernier.
De grandes espérances donc envers la jeunesse tunisienne !

Salah, Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT

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