Archives mensuelles : avril 2012

L’obsolescence programmée des nouvelles technologies

Tous les deux ans, voire de plus en plus tous les ans, nous avons droit à une nouvelle technologie, que ce soit en multimédia, en téléphonie ou bien entendu en informatique. Il est étonnant de constater que la période de chacune de ces pseudo-révolution technologique correspond à peu de chose près à la durée des garanties de nos appareils. Un soupçon de paranoïa irait nous faire penser que les fabricants sont derrière tout ça et inventent de toute pièce de soi-disant nouvelles technologies pour nous inciter à renouveler sans cesse nos matériels.

Pourtant, le cycle de vie réduit des produits de consommation n’a rien à voir avec la paranoïa et tout à voir avec l’obsolescence programmée. Ce phénomène n’est pas nouveau et touche depuis les années 1920 à peu près tous les biens de consommation, de l’automobile aux bas résille, et de l’électroménager aux composants électroniques. L’informatique est donc loin d’être seule concernée, bien qu’elle soit un exemple majeur de ce qui représente probablement à ce jour la plus grande arnaque montée par le capitalisme.

Le principe est extrêmement simple à comprendre. Pour vendre plus, il faut que le consommateur achète plus. Pour qu’il achète plus, il faut qu’il renouvelle le plus possible ses biens. Un fabricant a financièrement bien plus intérêt à vendre un logiciel ou un ordinateur tous les deux ans que tous les dix ans, même si une telle durée de vie est techniquement réalisable (et c’est le cas, ne nous y trompons pas). La question qui a germé dans l’esprit des capitalistes des années 20 était simple : comment faire pour que le consommateur consomme plus souvent que nécessaire ? La réponse est double et se trouve dans les deux visages de l’obsolescence programmée.

La première réponse se trouve dans la conception même des produits. C’est ce qu’a fait Apple avec les trois premières générations d’iPod, pour lesquelles la batterie était techniquement conçue pour ne durer que 18 mois. Passé ce délai, les batteries sont bel et bien tombées en panne, mais Apple a proposé à ses clients de changer complètement de matériel plutôt que de réparer ses produits défectueux. Le remplacement des batteries a du être imposé à Apple par la justice états-unienne. Un autre exemple, que l’on trouve très bien illustré dans le film documentaire Prêt à jeter1, est celui de l’imprimante (Epson Stylus C42UX dans le film, mais l’exemple est valable bien plus largement). Le fabricant avait placé dans son imprimante une puce dont le seul but était de bloquer le fonctionnement de la dite imprimante après un certain nombre d’impressions, bien que le matériel soit toujours parfaitement fonctionnel. Et le consommateur de jeter son imprimante pour en acheter une autre… Un dernier exemple pour la route, celui des conceptions « en bloc », c’est-à-dire le fait de fabriquer du hardware en rendant les composants solidaires les uns des autres, si bien que dès qu’un composant grille, l’intégralité du système est à jeter.

La seconde réponse se trouve dans la mode et le marketing. Le designer industriel états-unien Brooks Stevens disait, dans les années 1950, qu’il fallait « inculquer à l’acheteur le désir de posséder quelque chose d’un peu plus récent, un peu meilleur et un peu plus tôt que ce qui est nécessaire ». Une recette qui a largement inspiré feu Steve Jobs, mais aussi tous les industriels de l’informatique. Microsoft n’a pas fait autre chose quand, en 2006, son service après-vente et sa maintenance des systèmes Windows 98 et Millenium ont cessé. Objectif : inciter les utilisateurs à passer sur les nouveaux systèmes d’exploitation, qui (au passage) nécessitent de nouveaux hardware, puisque plus lourds à supporter (il faut plus de mémoire vive, plus d’espace disque etc.). Le top du top de l’obsolescence programmée est atteint lorsque c’est le consommateur lui-même, bien dressé, qui se rue sur chaque nouveauté qu’on lui agite sous le nez (cf. les défilés périodiques d’illuminés devant les Apple Store).

Petit bilan de l’obsolescence programmée. Qui y gagne ? La production et la croissance, bien entendu, comprendre : quelques industriels et leurs actionnaires. Qui y perd ? Sans surprise, sur le podium nous retrouvons tout d’abord le citoyen occidental, arnaqué et pressé comme un citron, bien que ce soit en partie du à sa propre bêtise, puis en seconde position l’éternel victime du ricochet capitaliste qu’est l’habitant du tiers-monde. En ce qui nous concerne, c’est l’Afrique de l’Ouest qui fait office de gigantesque décharge pour tous les produits informatiques (mais aussi électroménagers et multimédia) jetés par l’Occident. Et enfin, la grande perdante est, comme toujours, la Terre, dont les matières premières non renouvelables (métaux, énergies fossiles, lithium, indium etc.) sont pompées et restituées sous forme de tonnes de déchets polluants.

Prises sous l’angle de l’obsolescence programmée, nous comprenons bien que les dites innovations n’innovent en rien. Les nouvelles technologies sont de purs produits marketing, qui n’apportent rien de nouveau sinon un esthétisme inutile et quelques applications-gadgets tout aussi inutiles. Que se passerait-il si les industriels étaient tenus à des garanties de 10 ans ? Que se passerait-il s’ils étaient forcés de concevoir leurs produits pour les rendre réparables et non l’inverse ? Ce serait assurément un coup mortel porté à « l’innovation pour l’innovation » et un coup mortel pour quelques comptes en banque… Et alors ?

Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT

Notes :
1. Prêt à jeter, de Cosima Dannoritzer, Allemagne, 2010, disponible sur Arte

Il est né le divin iPad 3 !

C’est le printemps, les oiseaux chantent, les arbres bourgeonnent et les gogos se jettent sur l’iPad 3, sorti le 16 mars dernier. Comme à chaque fois, Apple fait un carton sur les ventes de son dernier gadget tactile, il n’est donc pas étonnant que le Journal du Net annonce le 04/04/2012 que la société a atteint son plus fort titre en bourse, à 632,2 dollars, et il pourrait encore progresser de 60% en deux ans.

Grandiose pour les actionnaires de la pomme, un peu moins pour les sous-traitant…

Dès que l’on retire les chiffres mirobolants et les commentaires extatiques sur le design des produits, l’image d’Apple n’est soudain plus si dorée. Le cas du sous-traitant chinois Foxconn mérite un peu d’attention. Cette gigantesque entreprise d’électronique est le premier producteur mondial de composants informatiques et multimédia. L’iPhone, l’iPad, les téléphones Nokia et Motorolla, les consoles de jeu Wii et Xbox, les ordinateurs Dell, HP et bien d’autres, ce sont eux. En 2012, Foxconn emploierait près de 1,3 millions de personnes, autant de petites mains qui ont rendu possible la création de l’iPad 3.

Faisons un rapide saut dans le temps. En 2008, le tout premier iPad était sur les chaînes de montage de Foxconn (apprécions, au passage, la fidélité d’Apple envers son douteux sous-traitant). Plusieurs ouvriers chinois ont témoigné avoir travaillé durant 6 mois pendant près de 12h par jour, avec seulement un jour de repos tous les 13 jours, et sans aucune pause. En théorie, la loi chinoise prévoit un maximum de 36 heures supplémentaires par mois, mais durant cette période, une moyenne de 120h a été observée dans la région du Guanlan. Ces chiffres et bien d’autres insanités sont rapportés par les militants Hong-kongais de SACOM (www.sacom.hk).

Ceci peut sembler moche, mais ce n’est que l’apéritif, le meilleur était à venir, puisque les nombreux sites de Foxconn ont connu des vagues de suicides, notamment en 2010. Bien heureusement, la direction de Foxconn est aussitôt intervenue en convoquant des moines, pour qu’ils exorcisent l’esprit malin des usines (véridique). Parions que l’origine du mal n’est pas à trouver dans les méthodes de management inhumaines, qui humilient les employés en leur faisant copier des centaines de fois les citations du grand patron, Terry Gou, punition que l’on peut qualifier de gentillette en comparaison des passages à tabac opérés par les agents de sécurité des campus ou les interdictions de parler, bouger, rire ou s’assoupir à son poste de travail. Rien à voir non plus avec le fait de parquer dans des dortoirs minuscules des ouvriers en prenant soin de ne pas regrouper ceux qui viennent des mêmes régions (pour le moral c’est mieux d’être isolé). Vous avez dit esclavage ?

N’exagérons pas, les ouvriers sont quand même payés. Bon, souvent en-dessous du salaire minimum, qui est déjà dénoncé comme insuffisant pour subvenir à des besoins normaux… Bien entendu, d’aucun rétorqueront qu’Apple n’y est pour rien, pourtant c’est bien cette entreprise qui a fixé le quota d’heures hebdomadaires maximal à 60 alors que la loi chinoise prévoit ce maximum à 49. C’est ce qui s’appelle faire dans le social ! Pour 2012, Apple et Foxconn, bons princes, ont promis des améliorations de salaires et des diminutions de temps de travail, d’ailleurs les ouvriers chinois y croient tellement que 150 d’entre eux ont menacé de se jeter d’un toit en début d’année, avant d’être redescendus par l’encadrement, et 200 autres ont fait la même chose à Wuhan (ligne de production Xbox). Un signe d’amélioration, probablement…

Et pendant ce temps-là, en Occident, des millions d’Apple maniaques se ruent sur l’iPad 3, ignorant ou préférant ignorer qu’il est fait de sang et de larmes. Il semble que 94% des détendeurs d’iPhone soient prêts à en changer lorsque le 5 sortira cet été. La consommation futile des uns est la souffrance et la mort des autres. Quand arrêtera-t-on d’acheter les merdes inutiles d’Apple ?

Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT

Émission de radio sur Anonymous, les hacktivistes et la liberté sur Internet

Voici l’émission Le monde merveilleux du travail du 2 avril 2012 sur Radio Libertaire (89,4Mhz FM en région parisienne), animée par le Syndicat de l’industrie informatique. Le sujet est les Anonymous et autres hacktivistes et les libertés sur Internet (avec un détour sur la propriété intellectuelle).

Le_monde_merveilleux_du_travail.2012-04-02

Informaticiens en batterie

« Le savoir n’est plus valorisé » explique François, pourtant chef de projet chez Safran Engineering Services, un sous-traitant d’Airbus. En effet la majorité des informaticiens sont employés dans des sociétés de services en ingénierie informatique (SSII) ou des agences web. Ces entreprises sont elles des pépinières de génies ? Non car « le métier d’ingénieur en SSII est dévoyé […] Il se résume à de basses œuvres techniques, souvent répétitives […] et démotivantes, car on n’a aucun pouvoir de décision ». En effet le pouvoir de décision est confisqué par la force de vente (managers et commerciaux), avec pour effet pervers de faire passer la créativité après la rentabilité.

Car l’objectif premier des SSII, grande « réussite » de l’industrie française, est la rentabilité financière. La réduction des coûts est leur obsession. Les SSII prêtent des informaticiens à leurs clients, ces derniers profitant d’employés low-costs ne bénéficient d’aucun des avantages de l’entreprise dans laquelle ils sont dépêchés (comités d’entreprise, crèche d’entreprise, restauration, etc.). De plus, les SSII n’envoient pas forcément chez leur client un spécialiste. Priorité est donnée à leurs informaticiens en « intercontrat » c’est à dire qui ne sont actuellement pas délégués chez un client.

Dernier exemple en date de cette logique financière : La suppression de 1300 postes en Europe par Logica dans le but (publiquement assumé !) de hisser la marge au dessus de 6,5% du chiffres d’affaires au second semestre 2012.

Voilà la réalité du travail d’une grande majorité d’informaticien aujourd’hui. Pour inverser le rapport de forces entre managers/patrons et informaticiens, se syndiquer est une solution !

Dans nos secteurs (informatique généraliste, web, webdesign, sécurité, etc.), nous sommes exposés, parfois formatés, ou compressés ; mais ensemble nous pouvons résister.

GEEKS DE TOUS LES PAYS, SYNDIQUEZ-VOUS !

Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT

Citations extraites de l’article homonyme de Nicolas Séné du Monde Diplomatique de mai 2011.