Petit lexique de novlangue SSII à l’usage des nouveaux venus dans le métier

Lexique SSIICe lexique est une liste non-exhaustive ayant pour vocation d’être complétée. N’hésitez pas à nous faire des propositions !

Agence web : SSII pas totalement décomplexée.

Après-midi : laps de temps s’écoulant entre le crépuscule et le matin. Ainsi, l’expression : « Tu as pris ton après-midi ? » doit se comprendre « Tu ne restes pas travailler cette nuit ? »

Arbitrage : L’arbitrage ne consiste pas à se déguiser en « homme en noir » sur un quelconque terrain de jeu (football, handball, patinoire…) pour faire respecter et appliquer les règles dudit jeu, mais à sabrer un ou des projets faisant parti(s) de versions ou de lots de livraison planifiés des mois auparavant, propulsant ainsi plusieurs collaborateurs dans l’inactivité quasi-totale et les prestataires et/ou sous-traitants à la porte de leur mission, voir en inter-contrat sans billet retour.

ASAP : ASAP est une interjection employée en fin de phrase par le chef pour signifier qu’il a promis un délai irréaliste au client et qu’il n’a fait aucun planning de charges.

Augmentation : expression vulgaire tombée en désuétude.

Autoformation : l’autoformation est, avec la propal, la principale activité proposée aux prestataires en intercontrat. Il s’agit de réussir à pouvoir faire démarrer un ordinateur des années 70, d’accéder à internet avec un modem 56K pour y télécharger des cours afin de se maintenir à la page au niveau technologique.

Badge : Beaucoup de clients demandent l’utilisation d’un badge pour circuler dans leurs locaux. Les badges des prestataires ont la plupart du temps un aspect graphique qui diffère de celui des internes pour qu’ils n’oublient pas qu’ils sont des Untermenschen. Pour autant, il faut reconnaître qu’aucun client n’a encore osé distribuer des badges en forme d’étoiles.

Bodyshopping : Le bodyshopping est une activité qui consiste  à vendre n’importe quel prestataire sur n’importe quelle mission pourvu qu’il ne soit pas en intercontrat. Bien entendu, le commercial se préoccupe d’abord des désirs d’évolution du prestataire; c’est pour ça que le bodyshopping, c’est toujours une SSII concurrente qui le pratique.

Cadre : statut imposé pour que le salarié s’assoit sur les heures supp’ et découvre les joies de la vie nocturne au travail.

Collaborateur : un collaborateur est quelqu’un qui se donne avec plaisir à son entreprise. Il remplace de vieilles expressions vulgaires comme salarié qui désignait d’abord un percepteur de salaire, ou travailleur qui désignait un fournisseur de travail. Le collaborateur est dans l’entreprise pour développer son épanouissement personnel, alors autant ne pas tomber dans la vulgarité en parlant de travail ou de salaire.

Commercial : vendeur de viande.

Consultant indépendant : Technico-fonctionnel sous-traitant du sous-traitant du sous-traitant à qui l’on fait appel quant le gonogo nogo.

Copil : réunion aux cours desquels, le client qui veut en avoir pour son argent écoute les justifications vaseuses du directeur de projet chargé de lui expliquer pourquoi dans la réalité, le projet ne fonctionne pas aussi facilement que prévu dans les slides, et comment il faut s’y prendre pour pousser les prestataires à cracher de la productivité.

Corporate : Adjectif  désignant une attitude ou une personne adhérant tellement à la culture de l’entreprise qu’elle en perd toute notion critique et pourra ainsi soutenir sans problème que le soleil est bleu, si nécessaire. L’église de scientologie est un modèle d’esprit corporate.

Deadline : la deadline est une date irréaliste à tenir absolument sans quoi les pires catastrophes peuvent se produire. Il ne s’agit pas de répondre à une urgence tel que ce mot est compris dans les services hospitaliers, où seule la vie d’un pauvre quidam est en jeu. Il s’agit beaucoup plus sérieusement d’empêcher le directeur de projet de perdre la face en ne tenant pas les délais qu’il a promis, ce qui est bien plus grave.

Droit d’entrée : D’après certaines études, les prestataires auraient besoin de manger. Les clients ne prenant que très rarement à leur charge les frais de cantine pour les nombreux prestataires, ceux-ci doivent payer un « droit d’entrée » à la cantine s’ils veulent pouvoir faire un repas équilibré.

Entretien annuel : cérémonial souvent imposé par la loi au cours duquel un manager doit essayer de retenir le nom d’un salarié qu’il n’a pas vu depuis un an et qu’il doit faire mine d’évaluer sans lui révéler que le budget prévu pour les augmentations a été décidé depuis belle lurette.

ESN : une SSII.

Focal Point : personne assise sur deux chaises fortement éloignées, dont le strabisme congénital permet à deux entités ne pouvant pas se voir de ne pas communiquer entre elles.

Friday wear : le Friday wear est l’autorisation de retirer le costume-cravate le vendredi pour constater que ça n’a aucun effet sur la productivité, ni sur les relations sociales. L’avantage du Friday wear est que l’on se sent au travail aussi bien que chez soi. Si bien qu’on ne voit même plus la différence quand on vient passer ses week-ends sur son lieu de travail.

Gestion des priorités : méthode permettant de dépiler des tâches suivant des critères rigoureux, rationnels et concertés. Celle-ci permet de se concentrer 5 min sur un sujet ultra prioritaire, jusqu’à ce que votre N+1 débarque avec un sujet archi prioritaire , interrompu par votre N+2 qui vous somme de résoudre sur le champ un incident super hyper trop critique , suivi de votre baby sitter qui vous annonce qu’elle vous fait faux bond à la dernière minute.

Gonogo : Une réunion de gonogo est une réunion dans laquelle les dirigeants d’un projet se réunissent pour décider si la mise en production se fera ou pas, bien que rien ne fonctionne et que la date n’a aucune chance d’être tenue compte tenu de la charge restante et du délai imparti week-ends inclus. Les réunions de gonogo ne doivent pas être confondues avec les réunions de bonobos qui ont des pratiques sexuelles bien différentes et bien plus heureuses.

Grand compte : Le grand compte est une grande entreprise considérée comme la vache à lait par la SSII. Non seulement, le grand compte regorge de liquidités et de besoins, mais il permet au commercial de prospecter un minimum de clients et de faire de jolies plaquettes de présentation de sa société. Le seul problème du grand compte, c’est qu’il peut devenir un client unique qui ferme le robinet du jour au lendemain en créant un afflux de prestataires en intercontrat au siège dont il faudra se débarrasser par tous les moyens.

Ingénieur Qualité : personne qui veut bien s’assoir avec vous et pleurer quand vous lui racontez les difficultés du projet.
Il ne peut rien pour vous. par contre il doit remplir et consolider un tableau excel de 40 onglets montrant que tout est au vert.

Intercontrat : L’intercontrat est la durée qui s’écoule après une mission avant que le commercial ne prouve SES capacités à trouver une nouvelle mission. Plus il est incompétent et plus il cherchera à faire culpabiliser le prestataire en intercontrat en lui faisant croire que c’est de sa faute, qu’il n’est qu’une charge pour l’entreprise et ferait mieux d’aller voir ailleurs, car comme le disent les managers « L’intercontrat, quand il y en a un, ça va, c’est quand il y en a plusieurs que ça pose des problèmes »

Imputation/CRA/timesheet : Chaque semaine, le prestataire doit remplir dans un logiciel souvent archaïque (puisque la plupart d’entre eux ne connaissent pas encore l’activité grève) un compte rendu d’activité (ou CRA ou timesheet) de leur travail de la semaine. Pour la SSII, il s’agit de l’activité la plus importante qu’un prestataire puisse faire au cours de la semaine puisqu’elle permet de facturer la semaine de travail au client. Certains esprits mal tournés se sont demandés pourquoi ils facturaient sur leur CRA, 40 heures de travail par semaine au client alors que leur bulletin de paye indique 37 ou 38 heure, selon leur accord d’entreprise. Il est très malpoli de demander à son commercial qui peut bien empocher la différence.

Junior : Un junior est un jeune diplômé qui vient d’être embauché et qui ne sait pas encore qu’il peut s’asseoir sur les promesses d’augmentation et les perspectives de carrière qu’on lui a fait miroiter.

Lean Management : méthode permettant de prouver scientifiquement qu’un informaticien indien a un salaire inférieur à son collègue français et que le prix du m2 est plus bas à Sarcelles que rue de la paix à Paris.

Matériel informatique : matériel souvent obsolète ne permettant pas son utilisation pour mener à bien les projets hautement technologiques. Certains prestataires sont donc parfois contraints d’acheter leur propre matériel afin de répondre aux exigences de l’évolution technologique et de ne pas se mettre leur N+1 à dos lorsqu’ils ont une mission ASAP a remplir.

Middle management : kamikazes pris en étau entre leur top management archi exigeant et leurs collaborateurs ultra râleurs.

Mobilité : compétence principale du collaborateur, loin devant ses connaissances techniques ou fonctionnelles. Peu importe si le projet n’est pas rentable (surcoût des frais de déplacement) et que le collaborateur est mécontent (pas de vie de famille), le commercial peut toucher sa prime.

Multitâches : méthode moderne de travail permettant de faire mal 10 choses en même temps au lieu de faire bien une chose après l’autre, sous le regard admiratif de sa hiérarchie. Les experts en multitâches peuvent avec une facilité déconcertante bâcler simultanément un mail, un SMS, une conversation téléphonique et 5 sur MSN, tout en finissant leur pizza.

N+1 : le N+1 est le supérieur hiérarchique direct, celui qui vient postillonner au prestataire qu’il faut tout lâcher démarrer un nouveau truc ASAP. Le N+1 a lui-même un N+1 qui est le N+2 du prestataire.

Nearshore : L’offshore donnant souvent des résultats catastrophique, les SSII ont inventé le nearshore pour résoudre certains problèmes liés à ces délocalisations (problèmes de langue, problème de décalage horaire, etc…). Le nearshore ayant le moins d’impacts négatifs sur les projets consiste à imposer des mutations en province aux développeurs avec réductions de salaires puisque la vie est censée y être moins chère.

Organigramme : joli dessin dans l’intranet, permettant de savoir si on a le droit ou pas de répondre des gros mots à la personne qui vient de vous envoyer un mail d’insultes.

Outsourcing : L’outsourcing est l’externalisation des services qui permet aux prestataires de travailler dans des SSII au lieu de subir la routine de travailler en interne chez son client final. C’est grâce à l’outsourcing que le prestataire peut voyager à la découverte des plus riantes zones industrielles, même les plus reculées.

Performance : mot qui décore élégamment les slides, les plaquettes commerciales et les réunions corporate. Souvent accompagné d’une photo de beaux athlètes en pleine action, qui ne sont manifestement pas vos collègues. Ne pas hésiter à accessoiriser avec quelques termes connexes: excellence, innovation, qualité, perfection, invincibilité ou super pouvoirs magiques. Voir aussi slide et corporate.

Plan de sauvegarde de l’emploi : charrette de licenciement.

Planning previsionnel : joli document plein de couleurs, de dates et de flèches (cf slide), dont la principale caractéristique est d’être totalement obsolète avant même d’être diffusé.

PMO : le PMO est un secrétaire de projet qui est convaincu d’avoir les attributions d’un directeur de projet. A la différence de la secrétaire au siège, il ne se charge pas du réconfort psychologique des prestataires, préférant générer lui-même la tension sur les prestataires.

Proactif : Être proactif, c’est aller chercher soi même du travail quand il n’y a rien à faire, ou trouver soi même sa mission quand le commercial n’y arrive pas. Être proactif consiste à faire le travail des autres. Si tout le monde était suffisamment proactif, il n’y aurait pas besoin d’engager autant de monde pour supporter une même charge de travail.

Propal : la Propal est avec l’autoformation, la principale activité demandée aux prestataires en intercontrat. Il s’agit de faire croire aux prestataires qu’ils vont évoluer dans l’entreprise en rédigeant une estimation de charge d’un appel d’offres que personne ne lira, puisque les commerciaux utiliseront leurs réseaux pour avoir les chiffres des concurrents afin de proposer juste un peu moins cher.

Ressources humaines (directeur des) : Personnel (responsable  du). Ce terme de ressources humaines est heureusement en train de tomber en désuétude pour être petit à petit remplacé par le terme plus avantageux de stock humain.

Secrétaire : La secrétaire est le point de contact humain privilégié avec le siège. Elle est en fait le seul être encore humain au siège avec l’infirmière, dont elle partage une partie des attributions, notamment le réconfort psychologique des salariés. Son problème est que, elle n’a personne vers qui se tourner pour confier ses propres malheurs.

Siège : Le siège d’une SSII est le lieu dans lequel le candidat est venu passer son entretien et dont il n’aura plus aucune nouvelle tant qu’il ne sera pas en intercontrat, pour ceux qui ont la chance d’y être affecté. Pour les autres, affectés à des locaux le plus souvent très excentrés lors des intercontrats ou pour les missions en forfait, ils y retourneront à l’occasion de leur fin de contrat, parfois volontaire.

Slide : document powerpoint parfois  très joli à regarder mais la plupart du temps complètement vide de sens. Le slide sert à prendre des décisions stratégiques sur un projet ; c’est aussi un outil de progression managériale. En effet, les SSII raffolant du mécénat aiment promouvoir la fibre artistique de leurs managers en leur offrant des promotions lorsque ceux-ci sont capables de faire les plus jolis slides.

Souplesse : (synonyme flexibilité) Il est fréquent qu’un client demande à un prestataire, s’il sait faire preuve de souplesse. Cette notion n’a aucun rapport avec les aptitudes à la gymnastique. Il s’agit juste de la capacité à être corvéable à merci.

Sous traitant : terme péjoratif pour désigner les sous hommes classés encore plus bas que les prestataires des sociétés intégratrices. Les sous-traitants coûtent tellement cher en facturation qu’il convient de les accabler de travail pour rentrer dans ses frais.

Stagiaire : individu staffé au même titre qu’un consultant débutant mais pour lequel l’employeur fera en sorte de ne pas rembourser la carte de transport, ne pas indemniser les repas ou encore ne pas aménager les horaires.

Syntec : laboratoire d’idées du Medef pour ramener les salariés au XIXeme siècle. Les informaticiens en sont les heureux cobayes.

Team leader : Un team leader est un cocu professionnel. C’est un titre utilisé dans certaines SSII pour que le manager se décharge de son travail sur lui. Le team leader est chargé en plus de son travail sur projet, de venir au siège expliquer à des prestataires dont il a la « responsabilité » qu’ils ont fait du bon travail mais ne pourront pas être augmentés. A défaut de gagner plus que s’il faisait uniquement son travail de prestataire, le team leader a toute la sympathie du manager, et ça lui fait chaud au cœur.

Technico-fonctionnel : la baisse de la qualité des softwares par la compression des coûts a amené à la création d’un nouveau poste : le technico-fonctionnel, un prestataire chargé de coller des rustines en étant capable de faire n’importe quoi par n’importe quel moyen pourvu qu’il puisse travailler dans l’urgence.

Turn over : vitesse à laquelle les salariés fuient l’entreprise quand ils trouvent ailleurs.

3 réflexions sur « Petit lexique de novlangue SSII à l’usage des nouveaux venus dans le métier »

  1. Sandburg

    Dites, c’est quoi l’abréviation pour les missions en SSII qui consistent à ne faire que de la correction de bugs à la chaine ? Un truc en 3 lettres…

    Répondre

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