Archives mensuelles : septembre 2011

Le syndicat de l’industrie informatique CNT sera présent au meeting international en Tunisie

Du 29 septembre au 2 octobre se déroulera un meeting international en Tunisie. De par sa vocation internationaliste, le syndicat de l’industrie informatique sera représenté et participera à l’intégralité des débats.

Ci-dessous vous pouvez télécharger l’appel à ce meeting ainsi que le programme complet :
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Les travailleurs n’ont pas de patrie !

Salah, Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT

Repenser l’anarcho-syndicalisme… vraiment ?

Il peut arriver que l’intérêt d’un texte relève davantage du symptôme qu’il constitue que des analyses et opinions qu’il expose. Tel est le cas d’un article intitulé « Repenser l’anarchosyndicalisme »*, récemment paru dans le Monde libertaire. L’ambition du titre, il est vrai, pouvait susciter bien des attentes. La signature de l’auteur, précisant son appartenance à Sud Étudiant, ne faisait qu’augmenter la curiosité…

Son objectif étant explicité, que nous disait-il, cet article ? D’abord, il faisait quelques constats pertinents, parfois évidents : que le syndicalisme constitue encore, malgré sa tiédeur généralisée, un rempart contre les ambitions du patronat ; que la tiédeur, le caractère si peu offensif des « appareils » syndicaux, s’explique en partie par le fait que les « bases » sont moins offensives que ce qu’on imagine dans la chaleur des mouvements sociaux ; que ce que Tomás Ibañez – cité en exergue de l’article, mais pour tout autre chose – appelle l’imaginaire subversif s’est transformé et n’est plus ce qu’il était au cours de la première moitié du XXe siècle, rendant inaudible les appels à la grève générale ou à la guerre sociale ; que la plupart des termes constitutifs de l’identité des anarchosyndicalistes ne sont plus précisément définis, actualisés, repensés, depuis longtemps, trop longtemps ; qu’ils se sont peu à peu déphasés d’avec la réalité de l’exploitation capitaliste mondialisée… Autant de constats que d’autres ont déjà fait, mais qu’en l’absence d’avancées théoriques ou organisationnelles d’ampleur il est bon de rappeler. Certes.

Au-delà de ces succinctes analyses et de quelques autres, l’article propose ensuite une stratégie pour « renouveler » l’anarchosyndicalisme.

Mais au fait… de quoi parle-t-on ? Anarchosyndicalisme ? La définition qu’en donne l’auteur reste vague, polysémique… ce qui peut, ici, très bien convenir à la pensée libertaire, privilégiant l’action à l’essence. La stratégie proposée par l’auteur devra donc être interprétée comme étant sa définition de l’anarchosyndicalisme.

En guise de stratégie, en somme, l’article invite les libertaire à intégrer les syndicats majoritaires, là où sont les travailleurs. Leur tâche serait de « conscientiser et radicaliser les luttes du monde du travail », « d’intégrer » ce monde étrange et de se coordonner entre libertaires pour y peser… Il n’y aurait dans cette optique « aucun intérêt pour les libertaires à s’isoler dans des organisations minuscules » explicitement anarchosyndicalistes.

Écueil éthique

De quelque point de vue qu’on la considère, une telle rhétorique suppose de se vivre et d’agir comme une sorte d’avant-garde. L’une des forces, l’une des beautés de l’anarchosyndicalisme est sa prédilection pour l’exemple sur la propagande. Montrer, bâtir et développer nos instruments et pratiques d’émancipation semble tout de même plus cohérent avec le corpus de pensée libertaire que de s’enferrer dans des logiques que les marxistes n’ont que trop pratiquées. Mais passons.

Écueil tactique

Une stratégie « d’intégration » (verra-t-on refleurir la défunte consigne maoïste, l’établissement ?), ne peut mener qu’à l’échec. Au sein d’une organisation syndicale « classique », les organes de pouvoir sont l’objet d’âpres luttes, d’obscures négociations et alliances. Les militants syndicaux dont c’est le métier (rémunérés pour assurer des fonctions dirigeantes), et certains groupuscules politiques seront toujours plus habiles que les libertaires sur le terrain des luttes d’appareil. Notre corpus éthique – encore lui – nous disqualifie d’emblée pour rivaliser avec les apparatchiks des syndicats réformistes. L’alternative est alors, soit d’abandonner pratiques et principes libertaires pour entrer dans la grande compétition des appareils, soit de n’y pas s’intéresser et de ne militer qu’à la base. Oublions la première, reste la seconde : n’agir qu’à la base au sein d’une organisation pyramidale, ou des dirigeants se font appeler « patrons », négocient aux ministères et décident de l’arrêt d’une grève quand ils se sentent débordés, revient à travailler pour eux. Inciter la base à déborder les instances dirigeantes ? L’histoire ne démontre rien, mais indique tout de même des tendances… Où, quand a-t-on vu une direction syndicale capituler face aux revendications de sa base ? Est-il nécessaire de rappeler que dans un syndicat « classique » tout est organisé à l’image de l’État, c’est-à-dire que la légitimité du pouvoir ne peut être remise en cause ? Est-il besoin de convoquer l’amertume des milliers de militants syndicaux, lassés d’avoir à se battre en interne comme en externe ?

Écueil d’espace et de temps

N’est-il pas déjà assez compliqué de porter la voix libertaire dans la société pour avoir à se battre, en plus, au sein de sa propre organisation syndicale ? L’une des raisons essentielles de la difficulté à faire naître des logiques révolutionnaires au sein du syndicalisme – comme ailleurs à vrai dire – est l’absence de transmission. De génération en génération, les révolutionnaires doivent tout réinventer ; ceux qui pourraient le devenir doivent, sans cesse et sans cesse, franchir des barrages d’a priori, imaginer laborieusement ce que, peut-être, des ainés auraient pu rapidement indiquer. En cela d’ailleurs, l’article auquel le présent texte est une forme de réponse, semble caractéristique : qui se souvient des dizaines d’années et des innombrables efforts déployés par les anarchistes au sein de FO, voire de la CFDT ? Où sont-ils, les héritiers de ces militants ? Qu’en reste-il ? Où s’est délitée toute cette expérience ? Où s’est perdue toute cette énergie ?

L’anarchosyndicalisme proposé par Guillaume Goutte dans son article, noyé dans les marais des organisations syndicales officielles, est un anarchosyndicalisme condamné à la minorité, à l’opposition interne, à la faiblesse.

L’anarchosyndicalisme n’a réellement pesé sur le cours de l’histoire que quand il s’est constitué en organisations puissantes. Peu importe qu’elles aient été confédérées ou fédérées (CNT, FORA…), internationalement organisées (AIT, IWW…) ou puissants syndicats autonomes, peu importe qu’elles aient regroupé les travailleurs en syndicats d’industrie ou de métier. L’essentiel est qu’elles bénéficiaient en interne d’une cohérence de pratiques et de principes (émaillées de conflits internes, certes). Adopter une telle optique permet de s’atteler à la construction d’espaces où mettre en pratique les principes libertaires, permet de pérenniser l’engagement et de n’avoir pas – en principe – à gaspiller son temps en stupides querelles d’appareil. Cela permet d’éviter l’écueil de la prépondérance du réformisme que porte nécessairement le syndicalisme, en articulant luttes pour des améliorations de la vie quotidienne et développement d’une force capable, un jour, de bouleverser l’ordre économique et politique.

Mais à vrai dire, à se stade, on peut bien se poser la question de la pertinence du choix de la lutte syndicale pour celui qui porte des aspirations de transformation sociale. La réponse qu’apporte l’anarchosyndicalisme organique – c’est-à-dire, comme évoqué précédemment, développé en organisations syndicales organiquement conformes à leurs pratiques et objectifs – peut être qualifiée d’opportuniste. Elle consiste à se doter d’outils de lutte améliorant les conditions de vie quotidienne, tout en développant une organisation capable d’agir sur le cœur du capitalisme, la production de biens et de services. En d’autres circonstances historiques peut être que des organisations luttant d’autres façons seraient plus efficaces. Rien de nouveau.

Et c’est de cela, de cette absence de nouveau que le texte auquel celui-ci répond est un symptôme. Il ne propose rien de nouveau qui n’ait déjà été longuement tenté ; sa définition de l’anarchosyndicalisme, noyé, soumis aux directions syndicales, peut finalement se résumer par : les anarchistes doivent se syndiquer. Qu’on est loin de l’anarchosyndicalisme… Comment ne pas voir en de telles considérations le symptôme de la difficulté de certains libertaires à penser le présent et l’avenir ?

Que l’anarchosyndicalisme organique doive évoluer, c’est certain. L’alternative est la disparition, ou l’existence groupusculaire. Évoluer vers la prise en compte des mutations de cet imaginaire subversif cité plus haut ; vers l’impulsion de vastes chantiers de reformulation de sa pensée, de ses analyses, de ses projets de société ; vers l’ouverture à d’autres formes et pratiques de lutte et de développement ; vers une maturité, une confiance, qui lui permettra de préférer la prise de risques à la stagnation dans le confort de certitudes d’un autre siècle. Là se travaillent les nouveautés.

Mais pour s’atteler à de telles activités, il faut en être.

Jean Morse, Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT

* « Repenser l’anarcho-syndicalisme », article paru dans le Monde libertaire hors série n°42, juillet – septembre 2011 : http://www.monde-libertaire.fr/syndicalisme/14760-repenser-lanarcho-syndicalisme-de-la-necessite-dun-constant-renouvellement

[Nicolas Séné] Petite escapade touristique dans l’informatique parisienne

Plaque Syntec

Photo de vacances : plaque commémorative du patronat triomphant

Les vacances d’été à peine débutées, me voilà parti à la capitale pour cinq jours de tourisme dans le milieu de l’informatique parisienne. Au programme : une escale au Syntec numérique et un séjour à la CNT. Deux visions totalement différentes de la vie sociale dans l’informatique.

La période estivale est propice aux visites, à la farniente et aux rencontres. Mes vacances ont débuté par un petit périple touristique à Paris où j’ai fait un tour très incomplet de l’informatique. « Bonjour Monsieur Séné,  Guy Mamou-Mani et Laurent Baudart, respectivement Président et Délégué Général de Syntec numérique, souhaiteraient vous rencontrer. Si cette proposition vous agréer, auriez-vous la gentillesse de me contacter ou de me mettre en contact avec votre assistante afin de convenir d’un rendez-vous ? » Tel est le courriel que j’ai reçu le 3 mars dernier de la part de la secrétaire du Syntec numérique. Une invitation surprenante pour un organisme qui avait toujours refusé de répondre à mes questions. Mais les temps changent…

Laurent et Michaël, les petites mains des grands patrons

Mon circuit touristique a donc commencé par une visite guidée du Syntec numérique, l’organisation patronale située dans le XVIème. Mon guide attitré, Laurent Baudart, est le secrétaire général du syndicat. Il gère quinze personnes qui assurent l’intendance de l’organisation. Après avoir avalé mon café « What else? », il prend du temps pour me présenter l’équipe qui évolue dans un open-space central. Il vient du monde de l’entreprise et a réorganisé le Syntec numérique à l’image des sociétés qu’il représente en en donnant une image moins hiérarchique.

Il m’explique ensuite les activités du Syntec numérique. ça se passe en toute simplicité et l’échange est horizontal : il me traite à égal et joue sur l’humain avec ses origines modestes, son côté papa inquiet et en me demandant si j’arrive vraiment à gagner ma vie avec le journalisme. Manager un jour, manager toujours… Quand j’avance sur des questions plus concrètes et précises, il me renvoie dans les pattes de Michaël Hayat, le délégué aux affaires sociales.

Sans que rien ne soir préparé, ce dernier prend lui aussi le temps de répondre à mes questions et de démonter point par point, chiffres à l’appui, les contradictions que je lui apporte : l’homme est intelligent et la technique est rodée. Je conserve pour le moment la teneur de nos échanges qui me seront utiles pour des articles ultérieurs. Je quitte les locaux patronaux sur la promesse d’une rencontre avec LE patron numérique : Guy Mamou-Mani. Et, je prends le chemin de la CNT.

Salah, Karine et les autres, les idées pour changer les choses

Après avoir rencontré des experts du secteur qui me poussent à continuer mon travail sur les SSII, je me dirige dans le XXème arrondissement. Ancien entrepôt repeint en rouge et noir, je repère facilement les locaux de la CNT. Salah et ses camarades du syndicat de l’informatique m’ont invité pour un débat. Ici, pas d’open-space : chaque syndicat dispose d’une toute petite pièce pour mener ses actions. Le débat s’est fait conjointement avec Alexandre Des Isnards et Thomas Zuber, les auteurs de « L’open space m’a tuer « et « Facebook m’a tuer ». Aucune hiérarchie dans le débat : dans le public, chacune et chacun prend la parole au même titre. L’échange horizontal est franc et massif.

L’après-midi se passe avec des points de vue qui se confrontent, des témoignages poignants sur la réalité en SSII qui met à mal le marketing des grands groupes. On n’est loin de la thérapie de groupe car les alternatives existent, seule leur mise en place reste compliquée. Pendant les concerts, autour d’une bière, je parle avec un ingénieur de chez Atos-origin qui se pose la question de savoir s’il ne faudrait pas adapter le syndicalisme au mode projet. L’idée me plaît bien. Il y a aussi ce jeune ingénieur qui revient d’une année en Australie où il a parcouru le pays en van. Il développait son projet dans l’informatique dans les bibliothèques. Je rencontre Jean-Yves, ancien cadre à La Poste, qui sort d’un burn-out (épuisement professionnel, NDLR) et qui retrouve un écho à ce qu’il a vécu dans ce qui se trame dans l’informatique. Karine n’a aucun doute sur le fait que l’on peut mener la contestation face au patronat. Pour cela, il faudrait déjà s’unifier en façade même si on n’est pas forcément d’accord sur tout, me raconte-t-elle. De tout cela, on en parlera deux jours après sur Radio Libertaire.

Ce petit périple syndical des deux côtés de la ligne sociale a été l’occasion de confronter les idéologies. La première est feutrée et sans accroc, quasiment indolore. La seconde, libertaire, joyeuse et pas toujours bien organisée. Certes, malgré d’éventuelles dissensions, les patrons gardent le cap et gagnent parce qu’ils sont organisés. Alors, pour renverser la tendance, à quand une grande union de fond de la CGT, la CNT, l’Unsa et les autres ? Mais, il est vrai que c’est à ce moment que le rapport de force commencerait à s’inverser…

Source : Derrière l’écran de la révolution sociale, le blog de Nicolas Séné.