Voici l’émission Le monde merveilleux du travail du du 2 janvier 2012 sur Radio Libertaire (89,4Mhz FM en région parisienne), animée par le Syndicat de l’industrie informatique. Le thème de l’émission est les open-space.
Archives mensuelles : janvier 2012
Les horaires des cadres, une légende urbaine
Faites un test. Demandez à dix ou vingt personnes autour de vous ce qu’il en est du statut de cadre et écoutez leurs réponses, ce sont à peu de choses près toujours les mêmes : « les cadres n’ont pas d’horaires », « quand tu passes cadre, tu ne comptes plus tes heures », « pas d’heures supp’ pour les cadres » etc. Aujourd’hui, le statut cadre est très répandu dans l’informatique, y compris pour des postes où il n’y a personne à encadrer, mais c’est également vrai dans tout le tertiaire et bien au-delà. Toutefois, partout la même méconnaissance effrayante de ce statut, y compris chez les cadres eux-mêmes. Partout la même légende urbaine qui voudrait que les cadres n’aient pas d’horaires.
Ceci est complètement faux. En réalité, seuls les cadres dits « dirigeants » travaillent hors des règles conventionnelles. Cette catégorie est définie par le Code du Travail, article L.3111-2 comme suit : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ».
Autant dire que la très grande majorité des cadres n’est pas concernée. Pour cette majorité, les lois sur le temps de travail s’appliquent comme à tous les salariés et elles sont plutôt simples à retenir : la durée quotidienne maximale de 10h (article L.3121-34), la durée légale hebdomadaire de 35h (article L.3121-10) et les durées hebdomadaires maximales de 44h en moyenne sur 12 semaines consécutives (article L.3121-35 et L.3121-36), c’est-à-dire le maximum en prenant en compte les heures supplémentaires. Tout cadre non dirigeant bénéficie de ces réglementations, alors pourquoi ce mythe du cadre sans horaires ?
C’est une croyance qui est probablement due à la notion de convention de forfait, dite aussi forfait annuel. Qu’est-ce donc ? Tout simplement une partie du Code du Travail, articles L.3121-42 et L.3121-43 plus précisément, qui autorise certains salariés à convenir avec leur entreprise d’un aménagement du temps de travail sous la forme d’un forfait annuel. En bref, les deux parties conviennent que le salarié doit effectuer une durée de travail X sur un an, à répartir relativement librement, c’est ainsi qu’il devient possible de travailler plus de 10h par jour ou plus de 35h par semaine, mais attention, là encore tout n’est pas possible. Signer un forfait ne signifie par que toute législation disparaît.
Pour bien comprendre, il faut tout d’abord distinguer les deux types de forfaits existants : en heures ou en jours. La différence n’est pas négligeable, car dans le cas d’un forfait en heures, les règles de temps de travail demeurent les mêmes, la seule différence étant la possibilité d’aménager son emploi du temps (par exemple 10h de travail un jour, puis 6 le lendemain). Ainsi, la durée quotidienne maximale, la durée légale hebdomadaire et les durées hebdomadaires maximales s’appliquent. Ce n’est pas le cas pour le forfait en jours, où précisément les salariés ne sont pas soumis à ces trois réglementations et peuvent donc effectuer plus de 10h par jour, entre autres. Alors comment un salarié peut-il savoir s’il est concerné ? Très simple : pour être sous le régime d’un forfait, que ce soit en heures ou en jour, il faut que le contrat de travail le stipule clairement ou qu’un avenant à ce contrat de travail, signé par les deux parties, le stipule. À défaut, le salarié n’est pas au forfait. Le statut de cadre n’implique pas automatiquement un forfait, ainsi il est possible de signer un avenant pour passer cadre sans que les horaires soient modifiés.
Et les heures supplémentaires dans cette histoire ? Perdues pour les cadres ? Pas du tout. Les cadres en bénéficient normalement, sauf les cadres dirigeants et les cadres ayant signé un forfait en jours, qui ne peuvent pas y prétendre. Nous sommes donc bien loin du mythe du cadre sans horaires et sans droits (à écouter certains !). Petit bonus à retenir : il est deux lois dont tous les cadres bénéficient, y compris les forfaits en jours, c’est tout d’abord la pause dite « syndicale », de 20 minutes minimum dès que le temps de travail atteint 6 heures (article L.3121-33), et le repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives (article L.3131-1), qui empêche donc, par exemple, de reprendre à 9h quand un salarié a terminé la veille à 23h.
Nous voyons bien que les certitudes répandues sur les cadres relèvent de la superstition, née de l’incroyable faculté des salariés à méconnaître leurs droits. Pour ne pas tout accepter de son patron, la meilleure solution reste encore de s’informer sur le droit du travail, mais aussi sur sa convention collective et l’accord de réduction du temps de travail de son entreprise, qui améliorent presque systématiquement la base qu’est le Code du Travail, même dans le cas d’une convention aussi déplorable que la SYNTEC… Il est plus que temps que les cadres se penchent sur leurs droits, premier pas vers une nécessaire révolte, car, quoique puisse leur souffler leur naïveté ou leur orgueil, ce sont des travailleurs comme les autres.
Guillaume, Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT
Logica annonce 1300 supressions de poste en Europe
Dans toutes les SSII, les managers font comprendre aux travailleurs que l’air du temps est au serrage de ceinture parce que c’est la crise, qu’elle est mondiale et qu’on ne peut rien y faire puisque les clients repoussent leurs projets d’investissements. Ce qu’ils ne disent pas, c’est que la crise, c’est quand il n’y a plus d’argent une fois qu’ils se sont servis à coup de bonus, de stock-options ou de parachutes dorés et qu’ils ont servis les actionnaires.
Chez Logica, cette logique purement boursière est au moins assumée. Logica ne se donne même plus de la peine de faire croire que l’entreprise est au bord du gouffre puisqu’elle annonce que si elle supprime 1300 emplois en Europe, ce n’est que pour hisser la marge au dessus de 6,5% du chiffres d’affaires au second semestre 2012.
Au moment où Logica annonce ce plan de restructuration (comprendre la suppression massive de postes et l’accélération de l’automatisation et des délocalisations), le président du Syntec Guy Mamou Mani continue à nous asséner ses propos lénifiants sur une année 2012 qui continuerait à être marquée par une pénurie d’informaticiens. Qui se moque de nous ? Logica, le Syntec, ou les deux ?
Logica illustre parfaitement la SSII type dénoncée par la récente étude du Pôle emploi. Dés qu’un rebond apparait dans un secteur, l’entreprise n’est plus à même d’y répondre parce que n’ayant pas de politique à long terme de gestion des carrières, elle préfère choisir le turn-over par toutes sortes de moyens (soit en poussant à la démission, soit en licenciant) plutôt que d’investir dans les compétences de ses salariés par de véritables politiques de formation, de promotion et de progression salariale. La seule stratégie de Logica sur le long terme consiste à pousser de plus en plus le départ des emplois vers des pays à bas coûts dans lesquels les salariés n’ont pas de droit du travail, cassant ainsi de plus en plus en France, le marché de l’emploi, le niveau des salaires, les conditions de travail.
Face à ce rouleau compresseur dopé par la peur de la crise, nous devons nous unir et nous organiser pour défendre nos intérêts avant qu’ils ne soit trop tard pour ne pas définitivement sombrer comme ont déjà sombré de nombreux autres secteurs d’activité. Ce n’est pas en restant isolés que nous pourrons établir un rapport de force avec des entreprises de cette taille. Parce que ce qu’oublient les dirigeants de ces SSII, c’est que leurs entreprise ont bien plus besoin de leurs salariés que des actionnaires pour fonctionner. Et les salariés ont le pouvoir de le leur rappeler.
Syndicat de l’Industrie Informatique – CNT