La confidentialité du courrier électronique

Le contrôle de l’activité des salarié-e-s est une question sensible au sein des entreprises. 
La tentation est grande pour les directions de surveiller ses salarié-e-s par l’intermédiaire de la messagerie électronique. 
Le tribunal correctionnel a condamné 3 responsables de l’École Supérieure de Physique et Chimie Industrielle pour « violation de correspondance effectuée par voie de télécommunications » envers un étudiant. 
Il est manifeste que la question de la confidentialité du courrier électronique se pose, notamment au sein des entreprises informatique.

1. Dispositif juridique

Il est nécessaire de rappeler l’état du droit, bien maigre, en ce qui concerne la violation du courrier électronique.

a. Dispositions légales

Les dispositions juridiques applicables en matière de protection de la vie privée, en particulier au travail sont:

Article 9 du code civil
« Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, tel que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.  »

Article 226-15 du code pénal
« Le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressés à des tiers, en d’en prendre frauduleusement connaissance, est puni d’un an d’emprisonnement et de 300 000 F d’amende. Est puni des mêmes peine le fait, commis de mauvaise foi, d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmisses ou recues par la voie de télécommunications ou de procéder à l’installation d’appareils conçus pour réaliser de telles interceptions. »

Article L422-1 du code du travail
« Si un délégué du personnel constate, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée ua but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. »

Article L432-2-1 du code du travail
« […] le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. »


Il est clair que le droit pénal, le droit civil et le droit du travail protègent le salarié d’une intrusion de la part de l’employeur dans sa vie privé qui peut aussi s’exercer le lieu de travail.

b. Jurisprudence

L’affaire citée en introduction et qui a eu droit à une couverture médiatique rappelle fermement que la violation de toute correspondance électronique à titre privé est délit répréhensible. 
Le tribunal a reconnu que « l’envoi d’un message électronique de personne à personne constitue de la correspondance privé ». 
Par conséquent, dans l’affaire évoquée, le courrier électronique violé constitue une correspondance, au sens classique, et d’autre part qu’il entre dans le cadre de la vie privé même s’il était rédigé sur un lieu de travail. 
Par conséquent, prendre connaissance du contenu du courrier électronique privé de ses salariés est un délit pénal. 
Cependant, l’usage répétitif du de l’outil de travail à titre privé et ce durant les heures de travail sans autorisation de travail peut constituer une faute. 
L’envoi de nombreux courriers électroniques à l’extérieur remplit la condition ci-dessus et peut constituer une faute pouvant justifier une sanction (lettre d’avertissement, mise à pied…). 
Tel a été le jugement porté par un tribunal des prud’hommes dans une affaire opposant une P.M.E. à un salarié accusé d’avoir envoyé à de nombreux courriers électroniques à un ancien salarié. 
D’autre part, le fait pour un employeur d’espionner n’est pas un droit pour l’employeur comme la chambre sociale de la cours de cassation l’a plusieurs fois rappelé.

2. La situation en entreprise

Il est donné à l’employeur un pouvoir de contrôle sur ses employés et leur activité. Pour ce qui concerne l’usage d’internet, notamment le courrier électronique, les entreprise mettent en place des chartes de bonnes conduites.

a. Droit de contrôle

L’employeur a tout à fait le droit de contrôler et de surveiller l’activité des salariés. 
L’article L432-2-1 du code du travail le stipule. 
Il peut donc librement surveiller l’utilisation d’Internet ou intercepter les mails. 
En revanche, il ne pourra pas utiliser les informations récupérées comme mode de preuve s’il n’a pas informé les salarié-e-s que l’utilisation de la messagerie peut être contrôlée et être utilisée dans le d’une procédure disciplinaire. 
Attention, lorsqu’on parle d’intercepter les mails, il s’agit de vérifier les destinataires ou les expéditeurs des emails mais en aucun cas de lire le contenu du mail. 
Si c’était le cas, l’employeur commettrait un délit prévu à l’article 226-15 alinéa 2 du nouveau Code pénal qui protège le secret des correspondances. 
Il existe un équilibre fragile entre protection de la vie privé du salarié et droit de contrôle de l’employeur.

b. Charte de bonne conduite

Afin de limiter un usage personnel excessif des outils informatiques (email, web), les entreprises mettent en place des chartes de bonnes conduites ou règlements régissant l’usage de l’ordinateur. 
Attention, la mise en place de tels dispositifs donnent à l’employeur une meilleure sécurité juridique pour contrôler le salarié en ce qui concerne l’usage du courrier électronique en limitant les risques de contentieux grâce à une information préalable. 
Toutefois la violation de courrier électronique non professionnel demeure un délit. 
Cependant, il faut être prudent notamment sur le plan du droit du travail où une faute peut être reprochée au salarié dès lors qu’il a été averti des règles de bonne conduite.

3. Sanctions

Avant tout, il est nécessaire de cerner les auteurs et ensuite de dire quels sont les sanctions attachés à la violation du courrier électronique sur un plan pénal et civil.

a. Auteurs

Si l’employeur cherche à prendre connaissance illégalement du courrier électronique d’un salarié, sa responsabilité est directement engagée. 
Si la demande de prise de connaissance vient d’un supérieur hiérarchique qui ordonne à l’administrateur de la messagerie de s’introduire par « effraction », dès lors la responsabilité de ce dernier peut être mise en avant si l’ordre est illicite. 
Cette responsabilité ne saurait être engagée vis à vis du salarié dont le courrier électronique aura été violé car, par un principe de pénal bien établi, seule la responsabilité du dirigeant sera engagée car il est responsable tant sur un plan pénal et civil des actes fautifs commis par ses salariés. 
Cependant, il peut se voir reprocher ue faute par son employeur pour avoir obéi à un ordre illégal donné par un supérieur hiérarchique.

b. Sanctions

Conformément aux dispositions de l’article 225-15 du code pénal, la sanction est d’un an d’emprisonnement et de 300 000F d’amende. 
D’autre part, le salarié qui s’est vu violé sa messagerie électronique peut sur la base de l’article 9 du code civil demander réparation du préjudice subi. 
Ainsi dans l’affaire citée dans notre introduction, les trois prévenus ont été condamnés à des amendes comprises entre 5 000 et 10 000 francs, en plus des 10 000 francs à verser au plaignant à titre de dommages et intérêts.

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