Wikileaks : une lutte asymétrique contre une transparence à deux vitesses

Suite aux révélations de câbles diplomatiques par Wikileaks, une polémique a été lancée par les tenants de la raison d’état qui ont crié à la dictature de la transparence.

Il est évident qu’un état qui doit se donner les moyens d’assurer son existence a besoin, par commodité, de maintenir le secret sur certaines de ses pratiques, notamment dans les domaines militaire, diplomatique, ou dans le maintien de l’ordre intérieur. Cela devient très ironique lorsque le même état ose se présenter comme étant démocratique, puisqu’il serait dirigé par des représentants élus par le peuple, alors que ce peuple ne serait pas jugé suffisamment apte à connaître tous les éléments sur les pratiques au pouvoir de ceux qu’ils sont sommés choisir pour décider de leurs vies.

Et l’ironie est double lorsque ces dirigeants pour se faire élire vont flatter les instincts sécuritaires, et pour ce faire exigent sans cesse plus de transparence des individus dans la société. Ainsi, les valets de la raison d’état nous ont vendu la généralisation de la vidéo-surveillance, de la biométrie, l’acquisition de drônes par la police pour surveiller cités sensibles et manifestations contestataires, le prélèvement génétique dans les commissariats et gendarmeries, le foisonnement de fichiers policiers comme le STIC (bientôt fusionné avec le JUDEX sous le nom ARIANE), l’EDVIRSP, le FRG, le SDRF et tant d’autres. Tout ceci au nom de la transparence de nos vies. Pour s’assurer le contrôle social, l’état a besoin de rendre nos vies les plus transparentes possible. Combien de fois avons-nous entendu que lorsque l’on a rien à se reprocher, on n’a rien à cacher, et que pour que notre « sécurité » soit assurée, il faut être prêt à renoncer à un peu de ses libertés en acceptant de dévoiler toujours un peu plus son mode de vie ?

Les méthodes hors-la-loi de Wikileaks prennent toute leur justification dans ce rapport de force disproportionné où la transparence deviendrait une dictature lorsqu’elle s’appliquerait à un état, en même temps que celui-ci exigerait toujours plus de transparence de la part de ses citoyens.

Cette asymétrie de la transparence existe aussi dans le monde de l’entreprise, et particulièrement dans les entreprises de l’informatique. De plus en plus, les entreprises cherchent à avoir connaissance de la vie privée de leurs salariés que ce soit lors du processus d’embauche, ou bien plus tard lors de la vie en entreprise. Recruter des retraités de l’armée dans les services de ressources humaines est de bon ton pour s’assurer que des enquêtes soient menées finement sur le personnel. Et de la même façon, le goût du secret pour les décisions de la direction rend difficile, pour le personnel, l’accès aux informations sur la vie  de l’entreprise. Mais au moins, les entreprises ( à l’exception des coopératives qui n’ont pas ces pratiques de confidentialité paranoïaque), n’ont pas elles, la prétention de s’afficher comme étant des lieux de démocratie, comme peuvent le faire les états.

La collusion des états avec le système banquier a permis de lancer une tentative d’asphyxie financière de Wikileaks en bloquant les paiements en ligne sur le site. La riposte  ne s’est pas fait longtemps attendre avec les attaques par déni de service des sites de Paypal, Visa et MasterCard grâce au logiciel téléchargeable gratuitement  LOIC (Low Orbit Ion Cannon).

De telles attaques par déni de service ont déjà été jugées en France, et ont abouti à de lourdes amendes. Et le fait que le ministre de l’économie numérique Eric Besson, soit monté au créneau pour dénoncer la cybercriminalité de Wikileaks et des attaques par déni de service, n’est pas très encourageant pour l’évolution du droit Français en la matière. Mais dans une lutte asymétrique, l’informatique restera longtemps un terrain sur lequel les états ne seront pas prêts de réussir à imposer leur pouvoir de coercition sur la masse organisée des individus pour s’assurer le contrôle social dont ils rêvent.

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