Archives mensuelles : juillet 2010

Article sur les start-up

Les dessous des Start-up

Les start-up, ces jeunes entreprises dont le secteur d’activité est l’informatique, sont le nouvel emblème de la prétendue  » nouvelle  » économie. A grand renfort de publicités arrogantes, elles prétendent incarner le nec plus ultra des nouveaux services informatiques. Pour ses futurs employés, elle représente aussi un nouveau type d’aventure proposée par le capital.

Ce qui étonne au premier abord, c’est que la start-up n’est pas une entreprise qui cherche à profiter d’un marché chez des clients potentiels. Elle n’est en fait dans la plupart des cas qu’une opération de spéculation déguisée en entreprise commerciale, et ses seuls vrais clients sont ses investisseurs (appelés en anglais capital-riskers) ou d’éventuels acheteurs tels les grands groupes de  » communication « . Elle n’a donc pas besoin d’une recherche commerciale qui tienne debout, mais plutôt d’un concept tape-à-l’œil.

La stratégie (financière, plus que commerciale) d’une start-up se résume donc à son entrée en bourse, même si, pour les 9/10 des ces entreprises, c’est, plutôt que la bourse, le dépôt de bilan qui les attend. C’est cette visée de hauts profits financiers à court terme qui instaure la prédominance des fonctions du marketing et de la finance dans les décisions importantes de l’entreprise : un nouveau  » tour de table  » des investisseurs ou une nouvelle exigence du marketing peuvent remettre en cause les orientations et l’organisation du travail.

Dans une start-up, on peut distinguer cinq départements fonctionnels : marketing, management (la direction), commercial, développement/intégration, administratif.

Les commerciaux et les gens du marketing, comme ailleurs, ne comprennent souvent rien aux impératifs techniques. Ils nagent dans leur univers de vente et de produits (qu’ils connaissent d’ailleurs mal). Leurs ordinateurs portables leur permet de prolonger leur travail à la maison. Les dirigeants, actionnaires de l’entreprise, ont souvent des ambitions proprement mégalomanes. Ils rêvent de l’introduction en bourse et des juteuses plus-values qu’ils recevront, voire de rivaliser avec Bill Gates. Ils ont toujours l’air le plus affairé, mais chacun sait qu’ils s’accordent le temps libre qu’ils désirent. Tous ces cadres savent bien profiter des investissements reçus, quand bien même l’aventure de serait pas couronnée par une introduction en bourse. L’attribution de stock-options et de golden-parachutes (ces primes que les dirigeants recevront en cas de renvoi ou de dépôt de bilan) accentue encore ces avantages.

Les administratifs sont les oubliés de ce boom économique. Les secrétaires, les comptables et les techniciens sont considérés, dans ces entreprises où l’on paye en général bien, comme des moins que rien. Il n’est pas rare de constater des rapports de 1 à 3 entre le salaire d’un ingénieur et le salaire de la comptable qui lui fait son virement. Sans compter qu’en la matière, les pire a priori sont de rigueur : une secrétaire, une hôtesse, ou une comptable, ne peut se décliner qu’au féminin, bien sûr !

Restent les développeurs, les intégrateurs, et les administrateurs, qui représentent la majorité des employés, ceux qui produisent effectivement quelque chose. Ce sont bien souvent des  » passionnés  » d’informatique, qui ne rechignent pas à la tâche. Leurs salaires peuvent varier sur une échelle allant de 1 à 2 pour la même fonction (cette particularité étant bien caractéristique de l’individualisme poussé dans la profession informatique).

Les dirigeants des start-up adoptent souvent un management plus libéré des conventions traditionnelles du milieu du travail, à la fois par technique de management (apprise lors de formations) mais aussi parce que les conditions de travail les y contraignent : ils ont peu d’espace et peu de temps.

L’exiguïté des locaux impose souvent une promiscuité avec l’équipe dirigeante, qui est de plus renforcée par l’utilisation quotidienne du courrier électronique. Il est attendu de la part des employés, quelle que soit leur fonction, un engagement total avec l’optique de la direction (appelé pompeusement  » culture d’entreprise « ). Cette adhésion de l’employé est un des atouts fondamentaux de la gestion du personnel, et dans cette perspective, le tutoiement est de rigueur.

Les délais trop courts obligent souvent la direction, pour alléger son travail, à déléguer certaines de ses responsabilités qui n’engagent pas la conduite de l’entreprise, ce qui, dans leur jargon, serait un regain d’ » autonomie  » . Tous ces aspects renforcent le discours (de la direction !) sur la prétendue absence de hiérarchie.

On ne peut pas dire que les dirigeants des start-up s’embarrassent avec les droits des salariés. Vous ne trouverez pas de section syndicale, ni même de délégué du personnel. Parfois, l’affichage pourtant obligatoire des horaires et des coordonnées de l’inspection du travail n’est pas respecté. Le contrat de travail – s’il existe – impose un grand nombre de contraintes (des clauses de non-concurrence, de non-sollicitation, de mobilité, un statut de cadre qui permet de ne pas payer les heures supplémentaires…) pouvant aller jusqu’à des sanctions financières. Certains salaires sont même indexés sur la réussite de l’entreprise.

Disponibilité, flexibilité, et même docilité sont exigées par la direction. Ne travailler que les heures pour lesquelles on est payé, refuser de venir le week-end ou de terminer tard le soir n’est pas bien vu par la direction.

Si nous pouvons à juste titre parler de flexibilité et, dans une certaine mesure et pas pour tous, d’exploitation, peut-on pour autant plaindre le sort de tous ces employés attirés par des profits grandioses qui pour la plupart s’y soumettent semble-t-il avec bonne volonté ? Certains, parmi les programmeurs plus spécialement, restent tard le soir de leur plein gré. Quant aux licenciements qui se cachent souvent derrière les démissions, il est effrayant de voir que, outre l’attitude parfaitement méprisante de la direction, peu de collègues s’y opposent. Pourtant, certains employés en viennent à mettre en doute l’utilité d’avoir de bons salaires sans temps libre pour en profiter, des questions syndicales affleurent dans les conversations.

Cet état de chose n’est sans doute pas seulement dû à une méconnaissance du droit du travail. En fait, on ne peut pas exclure que ces conditions soient la conséquence d’une réelle adhésion de la majorité des employés au mirage de la  » nouvelle  » économie. L’abondance de travail dans le secteur informatique aurait dû permettre aux salariés d’imposer leurs revendications. Hormis les salaires (qui sont complètement réglés par le marché et non par les exigences des salariés) ce n’est pas ce que l’on observe, et dans les start-up encore moins qu’ailleurs. Le suremploi pousse en fait beaucoup d’informaticiens à conclure un conflit avec la direction par une démission.

Les start-ups sont-elles le prototype de l’entreprise du futur ? Sont-elles une déformation  » infantile  » des débuts de la nouvelle économie ? Dans beaucoup d’entreprises du secteur informatique on retrouve, de manière atténuée, les caractéristiques des start-up, qu’il s’agisse de la flexibilité consentie ou de  » l’intéressement  » à l’entreprise. Sans doute ces entreprises sauront-elles en éviter les excès. Les revues informatiques annoncent déjà depuis plusieurs mois un revirement dans l’organisation des start-up : après tous ces échecs, plus question de confier des millions à des jeunes sans expérience. Les  » seniors  » (comme ces revues les nomment) sont de retour et reprennent la direction des postes clés de l’entreprise : marketing, finance, direction.

Si nous travaillons au quotidien pour en finir avec le mythe des start-up, pour conquérir des droits que nos aînés ont gagnés dans d’autres secteurs, nous remettons aussi en cause, concrètement quand c’est possible, le sens de notre travail, les rêves consuméristes auxquels on nous contraint de croire, d’adhérer et de travailler. Et la start-up est le symbole de cette société de l’acheté, du consommé, du jeté… Dans une société de plus en plus informatisée, ou l’information passe par les réseaux, nous tous qui rêvons à un autre futur et sommes prêts à nous battre pour cette autre société, nous seront de plus en plus présents dans le monde de l’informatique, start-up ou pas. Pour nous défendre face aux assauts des financiers sur nos lieux de travail, mais aussi pour occuper cette place stratégique du fonctionnement de notre société.

Syndicat de l’Industrie Informatique de la Région Parisienne (SII-RP)

Syntec et les 35 heures

35 heures dans l’informatique : l’esclavage par la flexibilité

Le 22 juin 1999 le SYNTEC et le CICF (organismes patronaux) ont signé un accord national sur la durée du travail avec la C.G.C. (syndicats de cadres) et la C.F.D.T.
La loi sur les 35 heures, sensée créer des emplois, trouve ici une application qui satisfait au mieux les patrons : flexibilité et annualisation en sont les points forts, et la création d’emplois n’est qu’un prétexte.

Le préambule rappelle que l’objectif est la « réduction du chômage ».
Dans notre société, le chômage est une aberration, et nous luttons pour son élimination, par une réduction massive du temps de travail et le changement des structures (hiérarchiques…) et objectifs des entreprises.

La durée de travail hebdomadaire sera de 35 heures, à compter de l’application de la loi. Mais l’annualisation et la modulation en font une durée virtuelle. L’accord prévoit que nous pourrons travailler, en toute légalité, jusqu’à 46 heures  par semaine !

Il est dit que l’’accord sera appliqué, et les salariés en « seront informés » : la réduction du temps de travail doit selon nous être appliquée d’une façon simple : mise en place de la semaine de 30 heures, sur 4 jours, pour tous, sans réduction de salaire ni aucune autre contrainte pour le salarié et avec embauches correspondant à la diminution du temps de travail. Si, dans une entreprise, les salariés souhaitent d’autres modalités (comme des jours de congés supplémentaires correspondant à la semaine de 30 heures, ou bien une semaine de 5 jours à 30 heures) cela doit se décider en assemblée générale des salariés. C’est à nous d’’informer le patrons de la façon dont nous voulons travailler, pas le contraire !

Le taux horaire à ne pas dépasser annuellement prévu par l’accord est de 1610 (un décompte correct conduit à 1589 heures) : c’est une des conditions de l’annualisation qui concrétise la flexibilité. Le taux horaire à ne pas dépasser doit selon nous être journalier.

L’accord définit le « travail en autonomie », qui touche ceux qui ont le statut d’ingénieurs et de cadres. Dans ce cas, il est prévu qu’il n’y ait pas de décompte salarial des heures de travail. Les dépassements sont pris sur les « compte-temps », qui pourront être utilisés lors des périodes de faible activité : cela à pour conséquence qu’il sera impossible de gérer le temps libre généré par la baisse du temps de travail.

Le salaire forfaitaire définit une rémunération fixe quel que soit le taux hebdomadaire de travail. Le maximum étant de 219 jours annuels, ce qui correspond à 8 jours de récupération, alors que les 35 heures devraient en apporter 23.

Afin de préserver la productivité, l’aménagement du temps de travail se fera sur l’année, c’est à dire par l’annualisation du temps de travail.
On recherche la « productivité globale » grâce à la « souplesse », c’est à dire la flexibilité.
Les entreprises appliqueront la réduction du temps de travail tout en « modulant sur l’’année » : les périodes de sous et de suractivité se compenseront sur 12 mois.
Les variations d’’horaires de travail pourront être annoncées 8 jours à l’’avance.
Dans ce cadre, le concept d’’heures supplémentaires (comme étant des heures exceptionnelles  payées plus) disparaît.

La durée maximum de travail sur une semaine sera de 46 heures et de 43 heures si le travail est compté sur 12 semaines.
Le compte de temps disponible pourra être débité par le patron, lors des périodes de sous activité. Il pourra également l’être à l’occasion de formations.
Nous revenons progressivement au concept féodal de « journalier », ou l’on ne sait pas quelle sera la charge de travail la semaine suivante. S’il y a du travail, cela peut aller jusqu’à 46 heures par semaine. S’il n’y en pas, nous resterons chez nous sans avoir la possibilité de planifier quoi que ce soit à l’avance. Mais le patron pourra planifier à notre place, en nous envoyant en formation sur notre temps libre, alors que la formation est typiquement ce qui augmente la « productivité globale » de l’entreprise, et doit donc se faire pendant les heures de travail.

L’objectif avoué des patrons est de réduire le temps de travail sans porter atteinte à la productivité des entreprises, à leurs gains… qui sont loin d’être les nôtres. La réalité de cet accord est qu’il permettra même de l’accroître sur le dos des salariés. Tout le texte suinte de l’idée que ce qu’il faut préserver et améliorer à tout prix est la productivité, alors que l’on embauchera uniquement « chaque fois que possible ».
Cet accord révèle ce qu’est réellement la réduction du temps de travail : un alibi et un prétexte pour faire passer la flexibilité comme méthode de travail. Cela ne coûtera pas grand chose aux patrons et fera de notre vie une activité entièrement articulée autour de leur bon vouloir. Les chômeurs, eux, restent le prétexte. Le plus surprenant est que certaines des organisations signataires osent se nommer « syndicats ».
C’est la logique même d’une recherche effrénée de rentabilité que nous remettons ne cause. Nous devons imposer le fait de travailler moins, tous et autrement.
On voit ou mène la négociation sans rapport de force. La réduction du temps de travail doit s’obtenir par la lutte. Les patrons ne comprennent que ça.

Le Syndicat de l’Industrie Informatique dénonce cet accord, et s’opposera chaque fois que possible à son application, en refusant la flexibilité et en proposant des solutions alternatives. Nous engageons tous les salariés du secteur informatique à prendre connaissance du texte de l’accord et à s’organiser au sein des entreprises pour imposer une réduction du temps de travail qui crée des emplois et améliore réellement notre vie.

Tract Altern

C’EST NOTRE LIBERTÉ QU’ON ASSASSINE !!!

La censure par le fric commence à apparaître sur le Web. La condamnation d’Altern à 405.000 frs en faveur d’Estelle Halliday prive plus de 30.000 associations et individus de leurs
moyens d’expression sur Internet.

Altern est un prestataire de services internet gratuits. Les services (ouverture et gestion de pages Web, forums, listes de diffusions) sont entièrement automatisés, ce qui permet à Valentin Lacambre de gérer seul les serveurs qui hébergent plus de 30.000 sites (dont celui de la CNT). La justice et Mme Halliday reprochent à Valentin d’être responsable de la diffusion de photos montrant Mme Halliday dans son intimité via les pages Web d’un individu “anonyme” hébergées par Altern. Valentin ne peut matériellement pas vérifier le contenu de toutes les pages Web qu’il héberge. Ce que requiert donc la justice, c’est bel et bien la disparition d’Altern en tant que fournisseur d’hébergement libre et gratuit de pages Web. Comme pretexte, on reproche à Altern l’anonymat et la liberté qu’il offre, qui techniquement n’existe pas…

Depuis, Altern a fermé. En effet, le résultat de ce procès laisse augurer un sombre avenir pour ce qui est des autres plaintes dont il est l’objet. L’une d’entre elles attaque aussi la CNT (au même tarif de 400.000 frs), pour des propos diffamatoires exprimés sur notre forum non contrôlé (l’auteur est inconnu et la page incriminée avait été supprimée).

Le résultat du procès de Valentin, c’est la disparition de la liberté d’expression sur le Web. À l’heure où les requins de tous bords essaient, à grands coups de publicité sur « l’esprit libertaire » d’Internet, de convaincre le pékin moyen de « se connecter », il semble paradoxal que ce soit justement ceux, comme Valentin, qui ont insufflé cet esprit libertaire à Internet, que l’on essaie de faire disparaître. « Wanadoo » (France Telecom) aurait-il été inquiété par Estelle Halliday, si l’un de ses clients avait posté les mêmes pages ? On peut d’ailleurs se demander pourquoi sur les centaines de sites qui montrent la nudité de Mme Halliday (payants), seul celui-ci semble avoir été poursuivi…

Le système cherche à contrôler internet. Les marchands veulent s’en emparer pour faire du “business”. Les avocats cherchent à établir une jurisprudence qui leur permettra de s’engraisser grâce aux violations des limites de la liberté d’expression. Et l’Etat, par l’intermédiaire de son « droit » et de sa « justice », cherche à éliminer ce qui pourrait porter atteinte à sa « sécurité » : la communication libre et directe, sans intermédiaire, entre individus.

L’enjeu est bel et bien de transformer le Web en un média comme un autre, contrôlé par l’argent, le politiquement correct et l’Etat, dans lequel l’individu n’a que le droit à la consommation, pas celui à l’expression.

Pour un Internet libre et non marchand,
avec et sans claviers, réagissons !

Tract BULL

Crevons la BULL de notre soumission !

Croissance, bénéfices, chiffres d’affaire records, créations de richesses…les entreprises de haute technologie liées à l’informatique, dont BULL, prospèrent.

Mais qu’en est-il pour nous, salariéEs de ces boites ?

On nous traite comme une ressource à gérer au meilleur coût, on nous vire et supprime des postes pour augmenter la productivité, les gains que nous produisons filent exclusivement dans les poches des actionnaires et dirigeants, nous n’avons jamais notre mot à dire sur la conduite de notre activité, on externalise ou vend nos unités…

Derrière ces mots il y a des réalités que nous vivons au jour le jour et qu’aucun sociologue ne pourra jamais  mieux exprimer que nous même.

NI PANAFIEU NI MAITRE !

Guy de Panafieu a décidé en mars de supprimer 1800 postes chez BULL, accompagnés de licenciements secs… 
Les actionnaires jugent que les activités « Terminaux et Cartes à puces » ne sont plus rentables alors qu’elles étaient le moteur de l’entreprise depuis longtemps. Pour arriver à leur fin, le groupe sera restructuré : abandon d’une stratégie globale et désossage du groupe par activités. Une fois de plus, le capitalisme fait vivre les actionnaires au mépris des salariéEs, et ce avec l’accord de l’Etat qui a décidé de se désengager. 
Pendant ce temps le cours de l’action monte ! L’opération semble être RENTABLE…

MAIS POUR QUI ?

Les salariéEs du secteur « Terminaux et Cartes à puces » qui ont subi les efforts permettant d’atteindre 46 % d’augmentation du chiffre d’affaire ce trimestre, sans oublier les promesses d’Hérakles et le projet Infomarket (70 Millions de Francs avec l’Espagne) sont bien récompensés ! Les actionnaires, jouant avec leurs jetons de présence, ont décidé à leur place de la revente du centre d’Angers, ce qui relève plus de la psychiatrie que de « l’entreprise citoyenne » dont ils se targuent ! L’Etat quant à lui s’apprête à laisser ses parts à Walter Butler un financier bien connu pour ses préoccupations sociales puisqu’il a repris le groupe BDDP avant de le revendre sans se soucier des salariéEs. La réaction des employéEs risque d’être d’autant plus anesthésiée que la «déstructuration » par activités permet de casser la solidarité.

Cela s’est vérifié par l’inefficacité de la lettre ouverte adressée par les syndicats traditionnels à la direction. Le Syndicat de l’Industrie Informatique, membre de la Confédération Nationale du Travail, propose quant à lui des méthodes d’action directe et de lutte qui ont déjà fait leurs preuves avec succès chez ELF ou à la COMATEC. Seule la lutte permet d’obtenir le fruit de nos revendications : semaines de 4 jours sans flexibilité, partage du temps de travail et des richesses, autogestion et licenciement des très gros salaires !

C’EST MAINTENANT QU’IL FAUT S’UNIR POUR QUE LES SALARIE(E)S DE BULL NE SOIENT PAS JETES EN PATURE AUX VAUTOURS FINANCIERS ET QUE TOUTE PROTOCOLE DE VENTE  SOIT ACCOMPAGNE D’UNE GARANTIE DE MAINTIEN DE L’EMPLOI !

Genèse du Syndicat de l’Industrie Informatique de la région parisienne

Nous annonçons à la confédération Nationale du Travail la création d’un nouveau syndicat : 
Le Syndicat de l’Industrie Informatique (SII).

Nous tenons à préciser que ce syndicat n’est pas et ne sera pas un syndicat dont les membres sont des informaticiens, mais au contraire, s’adresse à l’ensemble des travailleuses et travailleurs de l’industrie et  des services informatiques.

Cette précision est d’autant plus importante que nous condamnons la logique corporatiste des autres grandes confédérations.

Pour entrer dans le vif du sujet, nos buts sont les suivants :
? défendre les intérêts économiques, professionnels et moraux des travailleuses(eurs) 
? former et organiser les travailleuses(eurs) pour l’abolition du Salariat, du Patronat et de l’Etat 
?  instaurer des conseils de travailleuses(eurs) pour la réappropriation des moyens de production de distribution et de consommation.

En outre, nous agirons selon les principes du syndicalisme révolutionnaire, notamment par la mise en œuvre de l’action directe, de l’autogestion et par l’affirmation de la lutte des classes.

Ni plus, ni moins !

Après cette petite introduction (très abstraite, très formelle), une petite présentation de l’industrie des services informatiques s’impose.

L’industrie des services informatiques regroupe l’ensemble des entreprises dont le métier cœur est la délivrance de prestations de services informatiques.

Elle regroupe les Sociétés de Services Informatiques (S.S.I.I.) entrant la plupart dans la catégorie des P.M.E et des grands groupes industriels (I.B.M, COMPAQ, …).

Ces deux types d’entreprises connaissent aujourd’hui une forte croissance car elles bénéficient d’une externalisation des départements informatiques des entreprises et d’autre part, la remise d’une grande partie du secteur public (TELECOM, SNCF,…) aux intérêts privés est une manne providentielle.

Il faut savoir qu’un ingénieur informatique, en mission, est facturé à la journée autour de 4500 francs hors taxe : le contribuable appréciera.

Les travailleuse(eurs) du secteur de l’industrie des services informatiques dépendent d’une des deux conventions collectives suivantes:  
? la convention collective de la métallurgie ; 
? la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils.

L’ensemble des travailleuses(eurs) des S.S.I.I. est plutôt soumis (le terme est opportun !) à la deuxième convention collective qui porte habituellement le nom d’une organisation patronale (SYNTEC) signataire de ladite convention .

En effet, cette convention est très récente (1988) et a pour réputation de pencher très favorablement en faveur des employeurs.

L’activité principale du secteur de production présent se résume souvent à la création et à l’installation de systèmes logiciels et au « consulting » : la vente de matériel est accessoire dans le chiffre d’affaire des SSII et des grands groupes industriels informatiques.

Cela induit que le chiffre d’affaire réalisé porte sur la main d’œuvre et non sur le matériel : le ratio est de l’ordre 8/1 en moyenne.

Ainsi , contrairement aux idées reçues, le progrès technologique n’a pas aboli l’extorsion de la plus-value sur la main d’œuvre.

D’ailleurs l’activité commerciale principale consiste, selon leurs propres dires, à « fourguer de la viande », à gérer des « ressources humaines ».

Bien sûr les salaires augmentent – sans proportion avec la croissance des bénéfices – mais ces augmentations profitent uniquement au personnel « hautement  qualifié » et non au  personnel administratif (employé, agent technicien,…).

Inutile d’ajouter que cette croissance d’activité infère une augmentation des heures supplémentaires non payées, car les ingénieurs et cadres ont une rémunération forfaitaire (et on n’a pas toujours la possibilité de refuser le statut de cadre) et parce que le personnel administratif  est le personnel administratif !

Avec la mise  en œuvre de la loi sur les 35 heures, il existe pour nous une opportunité à saisir par les revendications suivantes : 
? réduction à 35 heures sans heures supplémentaires ou annualisation 
? pas de réduction de salaire, ni aujourd’hui ni jamais. Les bas salaires doivent être amenés au niveau des salaires plus élevés.

Attention, il ne s’agit pas pour nous de défendre cette loi car d’une part elle fait silence sur la question salariale – a contrario, une baisse de salaire est possible notamment pour les nouveaux embauchés après la mise en application de la réduction effective du temps de travail –  d’autre par, elle autorise la semaine à 48 heures – grâce à une modulation du temps de travail – 
et enfin elle pemet d’étendre le caractère forfaitaire de la rémunération à d’autres catégories de salariés.

D’ailleurs la renégociation de la convention collective de la métallurgie le confirme.

En effet, conformément à la loi d’orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail du 13 juin 1998, des négociations devraient s’ouvrir entre les organisations.

Notre syndicat, au delà des pétitions de principe sur l’autogestion ou les vertus de l’anarcho-syndicalisme aura pour rôle d’assurer une défense effective des travailleuses(eurs) de l’industrie et des services informatiques par un syndicalisme de combat au quotidien.

Les patrons compressen, l’État formate, libérons-nous de ce système d’exploitation !

LES PATRONS COMPRESSENT…

Ils nous pressurent à leur guise, disposant de notre temps et de notre energie pour assouvir leur volonté de pouvoir et de profit. Ils seraient même les indispensables créateurs d’emplois et de richesses. Des richesses, ils en créent : la leur. Et leur emploi, c’est notre exploitation. 
Combien d’heures supplémentaires (souvent non payées) pourraient servir à embaucher ? Travailler implique-t-il d’être obligé de négliger sa vie ?  Les DRH nous le rappellent : nous ne sommes que des « ressources humaines », gérées et exploitées en tant que telles.  
Nos chefs gagnent des mois ou des années de nos salaires en papotant « business » et gestion de leurs « ressources », que nous soyons programmeurs, secrétaires, spécialistes réseaux ou balayeurs. Et les femmes, quand il y en a, sont en moyenne payées 30% moins que les hommes… 
Enfin, nous laisse-t-on le moindre droit de regard sur le sens de notre travail ? Nous créons la richesse de ceux qui vivent de notre travail au lieu de travailler au profit de tous.

L’ÉTAT FORMATE…

Bientôt, nous passerons aux 35 heures, sensées résorber le chomage. Biensûr, toute réduction du temps de travail est un progrès pour les salariés, surtout dans l’informatique où l’ambiance « jeune cadre dynamique » ravage nos droits. Mais une  telle loi va dans le sens de l’évolution du capitalisme, la flexibilité (en France on dit « souplesse »). Et c’est ainsi qu’elle commence déjà à être appliquée: le cadre légal se met en place qui permettra aux « managers » de nous faire travailler à leur guise. Quand ils voudront et comme ils voudront. 35 h mais distribuées annuellement au gré de leurs besoins, le standard de l’emploi devenant l’intérim et le temps partiel imposé, le travail étant de plus en plus sous-traité ce qui permet de bafouer le droit du travail en toute quiétude…et les meilleurs surprises sont à venir. La légalité est chaque jour davantage avec eux.

LIBÉRONS-NOUS DE CE SYSTÈME D’EXPLOITATION !

Le syndicat ce sont des femmes et des hommes qui s’unissent et se donnent les moyens (action directe, autogestion…) de lutter contre l’exploitation et l’autorité. Certains syndicats se résignent à défendre les salariés, d’autres, dont le Syndicat de l’Industrie Informatique, luttent aussi contre l’essence de l’exploitation : l’Etat et le capitalisme (le droit que prennent certains de profiter du travail d’autres). Notre syndicat a pour vocation à défendre nos droits, à lutter au jour le jour contre tous les abus. Mais nous avons pour objectif l’abolition du salariat et de l’Etat, et nous travaillons ainsi chaque jour à batir un autre futur ou travail n’équivaudrait plus à exploitation.

Téléperformance en live : Rapport n°3

TELEPERFORMANCE (Site de Paris Montparnasse) EN LIVE

RAPPORT 03 : FLICAGE OR NOT FLICAGE ?

Après deux premières semaines de formation théorique, votre serviteur undercover a goûté au joies du « terrain », entendez par ce terme que j’ai effectué deux semaines de formation pratique avec de véritables prises d’appels et de véritables clients ayant des problèmes de connexion, modem, etc… Le but de ces deux nouvelles semaines étaient de nous faire entrer dans la réalité du métier de hot-liner Wanadoo (pardon, de Technicien Conseil Internet), eh bien, je dois dire que ce métier est intéressant, ce qui l’est moins en revanche, c’est l’environnement dans lequel je dois le faire… Le « terrain » étant terminé (retour à la formation finale théorique), je vous livre l’envers du décor façon brut de décoffrage…

« Contrôle qualité », « suivi des collaborateurs », « sondage de compétence », « écoute sur plateau », « écoute aveugle »… La langue française est si belle avec ses images, ses métaphores, ses euphémismes… Mais la langue de Molière, c’est aussi appeler un chat un chat. Ainsi, tous les termes précités entre guillemets peuvent être rassemblés sous un même terme générique contemporain : le flicage.

A Teleperformance, la fameuse norme Iso 9002 (cf Rapport 02) et les nombreux contrôles qualité qu’elle exige est la porte ouverte aux dérives de toutes sortes et la justification du flicage permanent. Ainsi, les responsables de l’encadrement (Responsables d’Unité Opérationnelle, Superviseurs et membres de la Direction) vous tiendront le discours suivant : « vous comprenez, si nous voulons garder notre certificat Iso 9002, nous devons nous assurer en permanence de la qualité du travail de nos collaborateurs… »

Et vous le verrez, camarades, les « contrôles qualité » sont nombreux, trop nombreux… Avant d’en venir au morceau de choix, c’est-à-dire le flicage interne, nous aborderons dans un premier temps le flicage externe; le but avoué étant que vous réalisiez à quel point le salarié (pardon, le collaborateur) de Teleperformance est cerné de toute part.

A) Le Flicage Externe

Il faut le savoir, Teleperformance est jaugé en permanence par un institut de sondage, la Soffrès. En effet, sur une période donnée, cet institut rappelle par téléphone les derniers abonnés Wanadoo qui ont eu recours à l’assistance technique téléphonique (pardon, le Service Client) et les soumet à une batterie de questions destinées à analyser leur niveau de satisfaction. Comme bien souvent, toutes les informations recueillies sont stockées, analysée avant d’être interprétées en chiffres, pourcentages, diagrammes et autres camemberts, bienvenu dans un monde de statistiques…

A l’heure actuelle, je n’ai pas d’autres éléments d’information sur les rapports de la Soffrès ; d’après nos formateurs, Teleperformance s’en tire toujours haut la main, ce qui me fait soudain songer que j’ai eu décidément beaucoup de chance d’être embauché au sein d’une entreprise aussi performante ! C’est si valorisant d’appartenir aux winners !

Venons-en maintenant au flicage interne…

B) Le Flicage Interne

Si vous avez lu les deux premiers rapports, vous n’êtes pas sans savoir que les Responsables ne cessent de répéter (les joies du vieux disque rayé) aux Techniciens Conseil (les Techs, en jargon maison et TC (pour faire plus court) qu’ils sont au cœur et le cœur du centre d’appel (pardon, Centre de Contact), et pour les valoriser, la Direction n’a rien trouvé de mieux que d’être constamment sur leur dos…

Cette partie détaillera les divers aspects du flicage interne, vous verrez que la Direction use d’outils matériels (téléphones, ordinateurs) mais aussi d’outils humains (Superviseurs(euses), Administrateurs Réseaux) pour s’assurer que tous rament (au propre comme au figuré !) dans un seul sens, celui de la Direction. Mais avant toute chose, évoquons en quelques lignes la culture d’entreprise…

1) La Culture d’entreprise

La culture d’entreprise, c’est un ensemble de règles non écrites qui viennent s’additionner au Règlement Intérieur. Et si ces règles implicites ne figurent pas par écrit dans le Règlement Intérieur, c’est qu’il y a une raison : l’inspection du travail serait alors à même de juger de l’iniquité des diverses dispositions… Ainsi, à Teleperformance, la Culture d’Entreprise

  • me déconseille fortement le port du jean bleu et des baskets
  • me conseille vivement de venir en chemise et cravate
  • m’invite à venir 10 minutes en avance pour mon « log on » téléphonique et informatique
  • m’interdit de laisser ma veste sur le dossier de ma chaise et m’oblige à suspendre cette dernière sur un cintre
  • m’interdit de mettre mon sac sur le bureau
  • m’interdit d’utiliser une bouteille d’eau pour boire à mon gré quand ma bouche est sèche à force de parler
  • m’oblige à demander la permission pour partir en pause (ce qui revient à demander la permission pour aller aux toilettes ce qui je vous le rappelle n’est en vigueur qu’à l’armée et en prison)

Ces petits éclaircissements ayant été apportés, voici poindre une petite question ludique : devinez un peu qui est chargé(e) de veiller à ce que toutes ces dispositions soient respectées et/ou appliquées ? Gagné, le(la) Superviseur(euse) (Sup, en jargon maison)…

2) Les Superviseur(euse)s

Avant toute chose, je voudrais tout de même souligner que j’ai croisé des Superviseur(euse)s sympathiques et compréhensif(ve)s, mais il faut aussi admettre que la nature même de cette fonction engendre des dérives…

Les Superviseur(euse)s sont les Chiens de garde de la Direction, le bras armé de la répression et du flicage interne. Chargé(e)s d’encadrer les Technicien(enne)s, ils(elles) se livrent continuellement au harcèlement ; planté(e)s devant leur écran d’ordinateur, ils(elles) suivent l’évolution de votre travail : temps de communication, ce que vous êtes en train de saisir dans la fiche du dossier client (logiciel Conso+, pour ceux et celles qui connaissent)…

Ce sont eux(elles) qui vous donnent le feu vert pour partir en pause : en théorie, le(la) TC demande juste un aval, dans la pratique, il(elle) se voit souvent répondre : « tu peux prendre encore un appel avant ? » Après avoir pris le dit appel, il faut redemander l’autorisation de pause… Officiellement, l’on vous répondra que les Superviseur(euse)s doivent vérifier l’état des appels en attente, etc… Mais dans la pratique, ce n’est ni plus ni moins que la résultante d’une stratégie d’infantilisation du TC, on infantilise pour rendre docile… On fait en sorte que le(la) TC ne se lève pas de sa chaise, il(elle) doit rester assis(e) et répondre au téléphone, tout ce qui sort de ce cadre strict doit être contrôlé, soumis à autorisation…

Mais l’ignominie de ce poste ne s’arrête pas là, le rôle (non avoué) des Superviseur(euse)s est de créer un stress permanent chez le(la) TC : il faut savoir que dès qu’un(e) abonné(e) à raccroché, le voyant « after call » (ou ACW) du téléphone du TC s’allume (les Superviseur(euse)s le voient de suite) et ce dernier doit appuyer sur la touche « prêt » pour éteindre ce voyant « after call », s’il ne le fait pas, il a droit à un « Patrick, tu peux te mettre en prêt ? »

Autre cas de figure, il arrive souvent au TC de faire patienter un client le temps de parcourir la Base de Connaissances Techniques (base de co, en jargon maison), si le client raccroche sans que le(la) TC s’en aperçoive, le téléphone se met en « after call » et là, les Superviseur(euse)s l’appellent au téléphone et se montrent inquiseur(trice)s : « tu peux m’expliquer pourquoi t’es en after call depuis 3 minutes ? » Ainsi, pour mon premier jour de « terrain », j’ai eu maille à partir avec une Superviseuse qui me harcelait parce que je n’appuyais pas sur la touche « prêt » de mon téléphone, j’avais beau lui expliquer que c’était mon premier jour, elle ne voulait rien savoir : « oui, mais t’as 10 secondes pour historiser ! Et de toute façon, tu dois historiser pendant que t’es avec le client, pas après ! » A la longue, je ne l’écoutais plus et je prenais mon temps quand même ! Voyant que je ne lui obéissais pas, elle m’a envoyé un Superviseur mâle pour me faire obtempérer, le Sup en question me sort le même discours (« tu dois historiser pendant que t’es avec le client »), je lui ai expliqué calmement que c’était mon premier jour et lui m’a fichu une paix royale…

Dans le même registre d’idée, si le(la) TC dépasse les 20 minutes de communication, il(elle) a droit à un appel interne : « Patrick, ça fait 30 minutes que t’es avec le client, tu t’en sors ? » Vu sous cet angle, c’est plutôt positif puisqu’il s’agit d’aider le(la) TC en difficulté, mais il arrive fréquemment que les Superviseur(euse)s vous demandent de conclure, encore une fois cela dépend des Superviseur(euse)s mais cela peut engendrer chez le(la) nouveau(elle) TC une source de stress supplémentaire…

Afin d’être un sous-marin efficace, j’avais pris le parti de jouer d’entrée le salarié soumis, mais je n’ai pu m’empêcher de faire sonner un autre son de cloches… L’occasion s’est présentée à moi dès mon premier jour de terrain : j’ai pris quelques appels puis un Superviseur m’a convoqué avec d’autres TC pour me bourrer le crâne avec un bref exposé sur la fameuse Gestion de PARC (cf Rapport 02). D’emblée, ce monsieur m’a fortement agacé par son incorrection de ton et sa façon de mâcher du chewing-gum tel un sergent instructeur des marines… Alors qu’il abordait le chapitre de la tenue de travail, un autre TC jouait les vendus et lécheur de botte en abondant dans son sens pour se faire bien voir, le Sup étant aux anges, votre serviteur a cru bon de devoir contrebalancer… Ce faisant, j’ai dit au Sup en question qu’il me paraissait anormal d’être obligé de venir en chemise et cravate pour éviter de se faire mal voir, que Teleperf étant un prestataire de service, cela signifiait donc que nous les TC n’étions pas en contact avec le client Wanadoo Interactive (ex France Telecom Interactive) et que nous pouvions nous habiller comme bon nous semblait, l’essentiel étant avant tout de bien traiter les appels des abonné(e)s Wanadoo… Le Sup s’est alors empêtré dans ses réponses, se contredisant sans cesse, et moi j’insistais exprès… L’autre TC (le vendu cité plus haut) a pris soin de lui venir en aide, du coup, le Sup se tournait systématiquement vers lui quand il parlait, préférant à n’en pas douter un auditoire plus acquis à sa cause… Quant à moi, comme j’insistais toujours sur l’aspect vestimentaire et la discrimination qu’il engendrait (le Sup ayant avoué explicitement qu’il jugerait négativement toute personne de son équipe qui ne serait pas habillée selon ses désirs, même si la personne en question est un(e) très bon(nne) TC ; sachant que c’est ce même Sup qui vous note et décide de votre avancement (passage en Aide Volante ou autre), cela fait froid dans le dos !), je me suis vu répondre : « Je trouve que tu polémiques beaucoup… » Ce à quoi j’ai répondu : « Oh moi, je ne cherche pas la polémique, j’arrive dans une nouvelle entreprise qui a un certain mode de fonctionnement, je pose juste des questions pour le connaître, j’aime les situations claires, et maintenant, je suis fixé… » A cela, le Sup s’est de nouveau emmêlé les pinceaux expliquant qu’il n’y avait pas de tenue correcte exigée, mais qu’il fallait avoir un minimum de respect vis des autres collaborateurs, etc…

Mais revenons aux pauses…

A Teleperformance, les pauses durent 10 minutes, pas une de plus : entendez par cette précision que le(la) Superviseur(euse) viendra vous chercher en salle de pause si vous excédez votre temps; en revanche, si le(la) Sup ne vient pas vous chercher (oh bonheur !), à votre retour au poste de travail, vous aurez droit à une interpellation verbale musclée : « Patrick, ça fait 12 minutes que tu es parti en pause ! »

Comme je l’ai dit plus avant, il convient de demander une autorisation pour partir en pause… Refusant de se plier à cette règle, votre serviteur a pris une pause sans rien demander à personne… Marchant dans un couloir, il rencontre son Sup (le même que plus haut) qui lui tient ce langage :

« Dis-moi, [mon prénom], tu es parti en pause ?
– Oui, ai-je répondu avec assurance.
– Et à qui as-tu demandé avant de partir en pause ?
– A personne, j’ai dit calmement.
– Ah oui, tu pars en pause comme ça, toi ?
– Oui, j’ai fait en le regardant droit dans les yeux.
– Tu vois, si tout le monde se met en pause au même moment, nous, nous sommes embêtés parce que plus personne ne prend d’appels, c’est pour ça qu’il faut prévenir la Vigie (Vigie=Superviseur(euse) devant son écran de contrôle) avant…
– Donc, ai-je répondu, si j’ai bien compris, il faut que je demande la permission pour partir en pause ?
– Non, il s’agit pas de permission, on est des adultes, on n’est pas à l’école…
– Mais pourtant, tu veux que je demande la permission pour partir en pause…
Arrive à ce moment un RUO qui prend part à la conversation :
– Je ne parlerais pas de permission car ça fait un peu scolaire, non, ce que l’on veut c’est que la Vigie soit prévenue… »

Vous l’aurez compris : à Teleperformance, on n’ose appeler les choses par leur nom véritable; ainsi, il n’y a pas de tenue de travail exigée, mais il est préférable de pointer en chemise et cravate, nul besoin de demande de permission pour partir en pause, mais obligation de « prévenir » la Vigie que l’on part en pause, c’est Serge Gainsbourg qui répétait inlassablement dans une chanson extraite de l’album Love on the Beat : no comment…

Bien entendu, si vous êtes complètement absorbé(e) par le flux des appels et que vous en oubliez vos pauses (cela m’est arrivé quasiment tous les jours en raison du stress généré par les différents appels client), personne ne vous fera remarquer que vous avez passé toute une matinée sans prendre de pause… Pour rebondir sur ce cas, suprême délice, sachez que les pauses ne sont pas récupérables : vous avez oublié de prendre vos pauses pendant deux heures et souhaitez cumuler 20 minutes d’un coup ? Vous n’aurez droit qu’à 10 minutes : la maison ne fait pas crédit (de pause) !

Le calcul des pauses… Pour une matinée de travail allant de 8h à 13h, l’on s’aperçoit que le(la) TC n’est pas autorisé(e) à prendre de pause lors de sa première heure de prise de service ainsi qu’à sa dernière heure de service…

Pour conclure sur ces Chiens de garde, je voudrais dire ceci : je n’aime pas les Superviseur(euse)s. Certes j’en ai rencontré d’estimables, certes nous en comptons parmi nos camarades, mais je veux redire ici avec force que je n’aime pas cette fonction car c’est une fonction de flicage : ces personnes observent, scrutent en permanence d’autres personnes qui sont leurs collègues et dressent sur elles toute une série de statistiques faisant peu de cas de leur qualité d’humain. De plus, non obstant leurs agissements, il semblerait que les Superviseur(euse)s de Teleperformance ne soient pas les pires; récemment, nous avons appris que les Sup de Symphoning (un Call Center appartenant à Norwich Union) avaient en leur possession des moyens de flicages plus sophistiqués qui leur permettaient notamment d’épier en permanence le bureau Windows des Télé Acteurs…

Je n’aime pas cette fonction car elle permet à des individus de faire la pluie et le beau temps sur la carrière d’autres individus : le(la) Sup vous note, est consulté(e) pour votre avancement. A Teleperf, c’est votre Sup qui décide si vous passerez en Aide Volante ou non, c’est votre Sup qui décide de votre avenir dans l’entreprise et si vous n’êtes pas en CDI mais vacataire, le(la) Sup décide si votre contrat sera renouvelé ou non. Pour un Call Center, le recrutement des Superviseur(euses) est stratégique : le(la) candidat(e) devra veiller au gagne-pain de l’entreprise, c’est-à-dire les appels… La mission étant de surveiller étroitement les employé(e)s afin de s’assurer qu’ils(elles) remplissent leur quota, le Call Center portera son choix sur les candidat(e)s les plus dociles, ceux et celles qui ont les faveurs de l’entreprise, ceux et celles qui n’ont jamais manifesté d’intentions syndicales, etc… Bien sûr, lors du recrutement, l’on vous tiendra toujours le même discours :  » les Superviseurs sont choisis parmis les Téléacteurs (et/ou Technicien Conseil) les plus méritants…  » Mais ici, il faut comprendre qu’être méritant signifie ne pas faire de vague et accepter d’être corvéable à merci…

Mais ce tableau sur les outils humains du flicage ne serait aucunement complet si l’on n’abordait pas le cas des Administrateurs Réseau…

3) Les Administrateurs Réseau

Tout d’abord, à Teleperf, l’on ne dit pas Administrateurs Réseau, non, ce serait beaucoup trop ringard (et puis la culture d’entreprise n’aime pas appeler les choses par leur nom véritable) ! Tout le monde parle des CTI, attention : il faut prononcer ces trois lettres à l’américaine, c’est-à-dire « si ti ail » ! Snobisme complètement stupide car ces trois lettres ont une signification française : Couplage Téléphonique Informatique. Ainsi, ces CTI au nombre de trois font la jonction de la technologie de l’informatique avec celle de la téléphonie…

En bons Administrateurs Réseau, les CTI sont eux aussi le bras armé du flicage interne. Les TC travaillent sur un ordinateur (tournant sous Windows NT) entièrement bridé : pas d’accès au disque dur, impossibilité de faire un clic droit sur le bureau Windows pour faire apparaître le menu contextuel, impossibilité de double cliquer sur l’horloge pour avoir le calendrier ou modifier l’heure, impossible d’envoyer et de recevoir des e-mails (courriel) extérieurs à l’entreprise à l’aide d’Outlook… En revanche, l’accès à l’Internet est possible, mais oubliez toute idée de download (téléchargement) et ne comptez pas non plus effacer l’historique et le cache d’Internet Explorer ! Quant au chat (Yahoo Chat, Voilà Chat, etc), il est techniquement possible, mais formellement interdit par la Direction; selon les Sup, la consultation et l’envoi de courriels sur des sites tels qu’Hotmail, Caramail, etc sont plus ou moins tolérés.

Comme l’entreprise fonctionne en réseau, chaque TC bénéficie d’un nom d’utilisateur(trice) et d’un mot de passe pour utiliser un poste informatique. Je n’ai aucune information à ce sujet, mais j’imagine que chaque action du TC sur le réseau est enregistrée, les camarades spécialistes du Syndicat de l’Industrie Informatique ne manqueront pas de nous éclairer sur ce point…

Il faut savoir que les CTI sont les petits privilégiés de Teleperformance : ils n’ont pas à ma connaissance de supérieurs sur leur dos, ils travaillent dans un bureau à part avec des ordinateurs non bridés et ils ont le droit, eux, de s’habiller en jean délavé et vieilles baskets, une place de choix, n’est-il pas ? Lorsque l’on passe dans le couloir attenant à leur bureau, il n’est pas rare de voir un écran de jeu affiché sur le moniteur d’un CTI. Quant au salaire, je n’en connais pas le montant, mais je doute qu’il soit aussi bas que les TC : un bon Administrateur Réseau, ça se paye…

Telle est la description que je peux faire de ces Administrateurs Réseau qui n’en sont pas (rappelez-vous, ce sont des « si ti ail » !) ; n’en déplaise aux camarades du Syndicat de l’Industrie Informatique, si le slogan publicitaire de la SCNF est « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous », eh bien, les informaticiens en font souvent peu de cas…

4) Le Téléphone

Avant d’aborder la Culture d’Entreprise, j’avais apporté une distinction claire entre outils matériels de flicage interne (téléphones, ordinateurs) et outils humains de flicage interne (Superviseur(euse)s, Administrateurs Réseau). Il me paraissait inutile de faire à la fois une partie Ordinateur et une partie Administrateur Réseau, cette dernière incluant du fait même de la fonction la partie Ordinateur… Il en est de même pour le téléphone, pourtant, il convenait de créer une partie Téléphone à part entière car cet appareil est le premier instrument de travail de tout salarié d’un Call Center…

Mais avant que d’être un outil de travail, à Teleperformance, le téléphone est THE instrument de flicage interne par excellence… Cette entreprise n’a pas besoin de pointeuse : le téléphone s’en charge ! Ainsi, comme pour accéder au réseau informatique, chaque TC dispose d’un numéro de log téléphonique qu’il(elle) entre pour travailler… Dès lors que le(la) TC a procédé à son log on, le téléphone fait office de mouchard : l’heure d’arrivée (= de pointage) est enregistrée, le temps de chaque communication est compté, l’état d’après appel (touche « after call ») est indiqué ou non, le temps de pause est décompté, c’est identique pour l’heure de fin de service (log off)… Toutes les données recueillies sont traitées (soit par les CTI soit par les Sup, sur ce point, je n’ai pu obtenir d’informations précises, le secret est bien gardé) et les Sups en tirent les conséquences… A titre d’exemple, un TC se trouve à son poste de travail et il reçoit un e-mail interne d’un Superviseur lui enjoignant de venir le voir dès que possible. Dès qu’il se rend auprès du Sup, ce dernier lui demande : « Dis-moi, Patrick, tu avais 11 minutes de retard hier, tu peux m’expliquer pourquoi ? »

Quant au travail proprement dit, l’on serait en droit de penser qu’une fois en ligne, le(la) TC est tranquille, que nenni ! Chaque téléphone dispose de 3 lignes : la première est réservée à l’abonné(e) Wanadoo, les deux autres sont des lignes internes usitées par les Sup, à tout moment, ces derniers peuvent appeler le(la) TC lequel(laquelle) doit faire immédiatement patienter le client pour répondre aux Superviseur(euse)s…

Pour imager la relation Technicien(enne) Conseil/Téléphone, l’on peut utiliser un bagnard dans un pénitencier : le boulet rappelle à tout moment au condamné qu’il n’est pas libre, il en va de même pour le(la) TC avec son téléphone (bien entendu, je fais tout de même une distinction entre les faits graves se déroulant dans les prisons et l’ambiance de travail à Teleperformance)…

Ce rapport numéro trois a pour titre Flicage or not flicage ? C’est une question, mais une question réponse : oui, les employé(e)s sont fliqué(e)s. Oui, un climat strict de travail est imposé par l’encadrement et la Direction. Oui, les Superviseur(euse)s se conduisent en gendarmes. Oui, cela déplaît fortement aux employé(e)s, mais ces dernier(ère)s se plient aux différentes règles pour la simple raison que s’ils(elles) travaillent là, c’est qu’ils(elles) n’ont rien trouvé de mieux…

Vous comprendrez aisément que tout ceci ne m’incite pas à demeurer en place; bien sûr, j’aurais pu commencer une petite lutte en tentant de motiver quelques troupes, mais l’environnement n’est pas propice, le turn over permanent des TC ne permet pas l’action d’envergure, j’entrerai plus avant dans les détails dans le quatrième et dernier rapport…

Mais que cela ne m’écarte pas de la déontologie maison, c’est la raison pour laquelle, « je vous souhaite une agréable fin de soirée de la part de Wanadoo… »

 Un futur employé (anonyme) de Teleperformance France

Teleperformance en live : Rapport n°2

TELEPERFORMANCE (Site de Paris Montparnasse) EN LIVE

RAPPORT 02 : UN GRAIN DE SABLE DANS LA MACHINE OU FRITURE SUR LA LIGNE ?

Le 5 juin 2001, l’organisation du travail ne sera plus la même pour le CDC 1 (Centre De Contact) sis à Montparnasse : en effet, la gestion de PARC (Programme Ambition Relation Client) entre en vigueur. Les dirigeants, les formateurs de Teleperformance sont unanimes : c’est un vent nouveau qui soufflera désormais…
Jusque là, il faut le savoir, Teleperformance gagnait de l’argent sur le nombre d’appels reçus (un appel reçu est un contact). Dorénavant, la donne change : France Telecom Interactive (devenu depuis peu Wanadoo Interactive) a découpé la France en 3 zones géographiques ayant chacune un portefeuille de 800 000 abonnés. 1 zone est gérée par France Telecom, 1 zone est gérée par Atos (un concurrent de Teleperformance), 1 zone, la dernière, est gérée par Teleperformance. Cette même entreprise gèrera donc les abonnés du bassin pyrénéen-aquitain…

Concrètement, cela signifie que France Telecom Interactive (FTI) vend à Teleperformance le portefeuille de clients (au nombre de 800 000, cf plus haut), chaque client coûtant 8 ou 10 F. Notez au passage qu’il est tout de même étrange qu’une entreprise publique vende la liste de ses clients à une entreprise privée sans l’accord des dits clients, d’autant que l’entreprise privée en question possède toutes les informations relatives au client (adresse, numéros de téléphone, fax, mots de passe, etc)… Ce que veut FTI est simple : que la société Teleperformance ne perde aucun abonné et qu’elle augmente le nombre d’abonnés de son portefeuille… 
Pour ce faire, le Technicien Conseil deviendra de plus en plus un Technico Commercial… Tiens ? Mais comme c’est étrange ! Ce n’est nullement ce qui était prévu lors de la Journée d’Information Recrutement (JIR)… Mais laissons cela, reprenons : non seulement le Technicien Conseil devra réparer les problèmes techniques, mais il devra désormais pousser le client à souscrire à une offre plus avantageuse… pour FTI, bien sûr… Pour l’instant, les Formateurs nous rassurent en nous indiquant que notre travail sera à 95 % technique et 5% commercial, mais chacun sait que les promesses patronales n’engagent que ceux qui les reçoivent, c’est-à-dire les employés…
La question pertinente est : que gagne l’abonné Wanadoo dans cette histoire ? Théoriquement, le Technicien Conseil ne sera plus poussé à expédier l’appel, la consigne étant désormais d’accompagner entièrement l’abonné pour qu’il ne rappelle plus dans la journée : ainsi l’appel d’un abonné A sera plus long, mais unique… In fine, FTI améliore ainsi sa hot-line (son service client, en bon français) et accroît son nombre d’abonnés par le bouche à oreille), que c’est beau la théorie, n’est-ce pas ?

Cependant, quelques grains de sable viennent entraver la bonne marche de cette mécanique bien huilée, je vous les donne en vrac ?

Quand vous arrivez à Teleperformance, les responsables bombent fièrement le torse pour vous annoncer que l’entreprise est certifiée ISO 9002. A l’accueil, le regard du visiteur tombera fatalement sur un fac simile du certificat décerné par les différents organismes en charge de la vérification de cette norme… Concrètement, cette norme ISO 9002 garantit que l’entreprise bénéficie d’une excellent diffusion de l’information, de l’organisation, etc… A Teleperformance, il suffit de creuser (peu profond) pour se demander si ce certificat ne s’achète pas, voici mes raisons :

1. Plus de 100 nouveaux ordinateurs (Dell, une société Texane) ont été commandés et réceptionnés, étrange : les PC sont livrés sans cartes réseau ! les responsables techniques, au nombre de 2, devront ouvrir 1 à 1 les boîtiers desktop et installer les cartes, faute de quoi, les Chargés de Clientèle (commerciaux, en bon français) et autres Techniciens Conseils ne pourront utiliser l’Intranet et le logiciel permettant de gérer les comptes des abonnés Wanadoo, un bel exemple d’organisation, n’est-il pas ?

2. Les nouveaux employés en formation n’ont toujours pas de badges (nécessaires pour ouvrir les portes de l’entreprise), Teleperformance serait en rupture de stock et en aurait commandés; naïvement, je pensais que les entreprise fabriquant des badges n’avaient que ça à faire

3. Des employés présents depuis 2 mois, ayant donc terminé leur période de formation, ont encore un badge de stagiaire, c’est la même rupture de stock évoquée plus haut !

4. Le Service Comptabilité qui n’a que de la comptabilité à faire (enfin, c’est ce que je pense, mais il est vrai que je suis si naïf) se trompe souvent dans les fiches de paie (cf Rapport 01) et n’a toujours pas fourni aux nouveaux employés les Contrats de Travail qu’ils devaient signer le 1er jour de la formation (rappelez-vous : les promesses patronales n’engagent que ceux qui les reçoivent, c’est-à-dire les employés)

Mais que l’on ne s’inquiète pas : tout va bien à Teleperformance ! Le 5 juin, c’est la gestion de PARC (ou PARQUES) !

Ainsi, pour traiter les 800 000 abonnés de Wanadoo, Teleperformance a besoin de bras… qui tiennent le téléphone ! Craignant d’en manquer, c’est le recrutement à tout va, de quoi exciter Martine Aubry ! A Teleperformance, il n’y a pas de racisme : on embauche des blancs, des noirs, des arabes, des asiatiques, des jeunes, des vieux et même… des gens qui ne connaissent rien à l’informatique ! « Tu vas voir, on va te former ! Tu vas monter en compétence ! »
C’est le cas de Clément…

Clément fait partie de l’effectif de Teleperformance depuis 4 mois, il officiait au Service Commerciale, oh pardon, au Service Relation Clientèle ! Pourquoi passer Technicien Conseil ? Tout simplement parce que le salaire est trop bas et qu’une formation permet de toucher la fameuse prime de compétence (250 F à la première formation, puis 300, etc jusqu’à une limite de 700 F)… Pour la petite histoire, le pauvre Clément est complètement largué, c’est comme s’il devait apprendre l’anglais : la technique, c’est une autre langue pour lui !

Quant à François, qui habite Blois, on lui a assuré lors du recrutement : « comme vous habitez loin, nous en tiendrons compte dans nos plannings… » (rappelez-vous : les promesses patronales n’engagent que ceux qui les reçoivent, c’est-à-dire les employés) Le Résultat ne s’est pas fait attendre : pour la semaine du 28 mai au 3 juin 2001, il commence plusieurs journées à 7 heures du matin ! On n’ose imaginer à quelle heure il devra se réveiller à Blois ! Faisant judicieusement cette remarque à un Superviseur (les cerbères censés garder la porte de l’enfer des appels téléphoniques), François s’est vu réclamer ses horaires de train, histoire de lui montrer que l’on a parfaitement confiance en lui, le Service Recrutement a pourtant toutes ses coordonnées localisées à Blois…
Petite précision, les Formateurs nous assurent que le planning est conçu par un logiciel, il est vrai qu’il est tout de même moins aisé de faire des reproches à un logiciel ! Etrange : lors de la journée de recrutement (JIR), j’ai cru voir dans l’organigramme de Teleperformance, deux charmantes jeunes femmes censées s’occuper du planning, mes yeux m’auront trompé sans doute…

En attendant, le cirque continue : « Teleperformance va bien, nous sommes leader, vous allez monter en compétence, le Technicien conseil est au centre du dispositif, etc… » Quant à l’abonné Wanadoo, on le quitte de la manière suivante : « Monsieur X, je vous souhaite une bonne journée de la part de Wanadoo ! » C’est d’ailleurs à la limite du « foutage de gueule » : l’abonné paie un forfait internet, il a un problème, il appelle, il patiente longtemps, il paie la communication, France Telecom s’enrichit et le Technicien lui souhaite une bonne journée en raccrochant ! O douce ironie !

Je pourrais parler des heures avec vous, mais à Teleperformance, le téléphone, ça n’attend pas : interdiction de le laisser sonner 2 fois ! très mauvais ! pas bien ! honteux !
 « Service Client Wanadoo, [prénom + nom], bonjour ! »

Un futur employé (anonyme) de Teleperformance France

Teleperformance en live : Rapport n°1

TELEPERFORMANCE (Site de Paris Montparnasse) EN LIVE

RAPPORT 01 : FORMATION DE PARFAITS PETITS SOLDATS WANADOO

Tout d’abord, comme chaque employé d’une entreprise prestataire de services, il naît en moi une sorte de malaise, presque comme une confusion mentale : je travaille pour une entreprise appelée Teleperformance et toute la journée, j’ai des logos, des boîtes, des cd, des documents intranet estampillés Wanadoo… Certes, il s’agit de nous enfoncer dans notre crâne qu’à Montparnasse, nous travaillons tous pour Wanadoo, mais tout de même… C’est une situation bancale, et à la limite, je dirais que ça ns fait perdre nos repères…

Les Formateurs ainsi que les Directeurs du Recrutement passent leur temps à nous dire que ce sont les Techniciens Conseils qui font la force de Teleperformance… Eh bien, ils ont une bien belle manière de les remercier : salaires bas, flicage permanent par le biais des login des téléphones, give us back the money, comme diraient les Américains !
Une chose est certaine, malgré toutes leurs belles paroles de victoire, ils sont à la merci de France Telecom (lequel possède les bureaux) : si ce dernier rompt le contrat, cela entraîne le chômage de plus de 100 personnes… Ils font les fanfarons en nous assurant que le contrat de service client vient d’être reconduit, ce qui expliquerait pourquoi ils embauchent autant en ce moment… Mais Brice m’avait confié que Teleperformance avait eu des ennuis avec l’Inspection du Travail : trop de CDD…

Durant les différents cours liés à la formation, j’ai vraiment l’impression d’entrer dans une secte qui a ses couleurs, son code de comportement…

Mais tous leurs beaux discours me paraissent vains : les procédures qu’ils tentent de nous inculquer ne sont pas appliquées par ceux déjà en place… Pourquoi ? Parce que c’est un métier dur (travail 24h/24, 7 jours/7, horaires jour : de 7h à 0h, horaires nuit : de 22h à 7h, le planning n’est connu qu’une semaine à l’avance, impossibilité de le modifier) usant, avec des horaires épouvantables et des salaires qui ne poussent pas les employés à vraiment s’investir pour le produit… A mon avis, cela ne peut être qu’un travail qui permet de patienter pendant quelques mois, il y a d’ailleurs un fort taux de turn over, rien d’étonnant…
Aujourd’hui, j’ai appris qu’il valait mieux porter une chemise et une cravate pour être bien vu, si je passe en CDI, je sais ce qu’il me reste à faire pour monter en grade…

Bien sûr, il y a des délégués syndicaux (si vous désirez connaître leurs noms, je peux vous les fournir), mais un ancien m’a dit texto qu’ils ne font pas de vagues ! Voici les syndicats représentés : CFTC, CGC, CFDT, CGT, FO… Vous comprendrez aisément que j’ai besoin de temps, et surtout d’être en CDI pour faire quoi que ce soit… Pour l’heure, j’essaie de glaner des informations, je parle aux gens afin de sonder les esprits, c’est-à-dire qui y croit à fond, qui n’y croit pas, etc…

Jusqu’ici, nous avons eu trois formateurs :
- le 1er, Pascal, est d’après ce qu’on dit le meilleur formateur… Dynamique, sympa, il vendrait Teleperformance à un habitant du désert ! A l’entendre, tout le monde s’aime, tout le monde se tutoie, tout le monde travaille dans le même sens, nous serions une grande famille… C’est lui que nous avons eu le premier jour…
- le 2ème, Fabrice, s’est montré plus nuancé : des collègues peuvent vous faire des crasses, il arrive que les Superviseurs soient cons et (cerise sur le gâteau), on se tutoie mais on se fait des sales coups par derrière… Lui, nous l’avons eu durant près d’une semaine, il est mou, pas dynamique, l’on sent bien qu’il est là pour payer son loyer…
- le 3ème, Frédéric, est très très dynamique… Sourire facile, présente très bien, parle très fort… Pour lui, même son de cloches que Pascal : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, on s’aime tous, la société est formidable…

Aujourd’hui, des événements sont venus rompre la monotonie des lieux :

Vs ne le savez peut-être pas, mais Teleperformance possède plusieurs centres d’appels dans toute la France. Il se trouve qu’il y en a un au Kremlin-Bicêtre et, figurez-vous, il est en grève? Motifs ? Salaires trop bas (7500 F brut), flicages de l’encadrement, etc.

Des militants de Sud sont venus distribuer des tracts à la sortie du site de Montparnasse (où je suis ma formation). La Direction de notre centre, craignant des invasions de type lanetroïen, a jugé bon de faire garder l’entrée du 2ème étage par des vigiles. Au retour du déjeuner, notre formateur (Frédéric) a cru bon de nous  » débriefer  » en ns assurant que les militants en bas de l’immeuble n’avaient rien à faire là, qu’ils n’appartenaient pas à Teleperformance, mais à France Telecom, que ce sont des fonctionnaires, etc.
Concernant le flicage, le même formateur ns a assuré que c’était normal que le Superviseur vienne vs chercher en salle de pause si cette pause excède les 10 minutes réglementaires, normal également que le Superviseur soit constamment sur le dos des Techniciens Conseils puisqu’il faut bien vérifier la qualité du travail des dits Techniciens… Il a ajouté aussi que le flicage ne dérange que les éléments suspects, c’est-à-dire ceux qui ne fichent rien…

Pour ajouter à ce tableau idyllique, j’apprends également aujourd’hui que mon futur employeur paie les employés vers le 5 du mois et qu’il arrive fréquemment que ce soit avec plusieurs jours de retard (le pire étant le 10 du mois, dixit des anciens de la Sté)… Mais cela ne suffit pas, il arrive fréquemment aussi que le Service Comptabilité oublie de payer les heures supplémentaires ! De plus, il fait souvent des erreurs sur les fiches de paie… Dire qu’au tout début, j’étais content de travailler pour une société 100% française ! Je me voyais déjà loin du souvenir des salaires lanetroïens versés en retard, eh bien, non, ça recommence ! Pour l’instant, je suis toujours en formation, je n’ai pas encore signé le contrat de travail, juste une déclaration unique d’embauche…

Au jour d’aujourd’hui, j’ignore si je vais demeurer dans cette entreprise. Je suis écœuré, mais je pense tout de même qu’il y a des combats syndicaux à mener. Je n’aime pas leur éternel discours du « tout va bien, on est les meilleurs ! », ça m’agace ! Ils utilisent des expressions maison qui m’irritent au plus haut point, la pire de toutes est « monter en compétence », le 3ème formateur nous a parlé « d’adaptabilité, de réactivité… »
Je n’aime pas leur arrogance, je n’aime pas leur façon de mettre au pas les employés : c’est une impression qui ressort quand je circule dans les locaux, une impression de verrouillage, une absence de liberté…
De toute façon, je suis soumis à de nombreux tests d’évaluation dès vendredi prochain, si je les réussis, j’éviterai le renouvellement de ma période d’essai et serai assuré d’un CDI à la date du 16 juin 2001…

En attendant, j’espère en apprendre davantage sur l’envers du décor. La Vérité n’est pas ailleurs, non, elle se trouve bien là, juste derrière les présentoirs, les prospectus et les boîtes de Packs Modem et autres Kits de connexion Wanadoo que l’on nous exhibe fièrement…

Un futur employé (anonyme) de Teleperformance France

Le logiciel libre, une alternative anarchiste ?

Avec le succès des logiciels libres, la presse « branchée » s’est emparée d’un nouveau scoop : une horde de hackers « anarchistes » peut mettre en péril les world-companies centrées sur l’édition du logiciel comme Microsoft. Et en effet, le fait que ces logiciels, développés en quelques années avec une logique non-commerciale, anti-hiérarchique et anti-propriétaire, puissent être technologiquement très supérieurs à des produits commerciaux classiques est une forte remise en cause des « lois du marchés » actuelles : propriété privée, secret commercial et management … En outre, leur caractère « gratuit » (par Internet, ou par des copains qui ont déjà le CD) et surtout « libre » (personne ne peut prétendre avoir des droits d’auteurs ou autres dessus, et les textes des programmes sont accessibles par tous) peut permettre aux utilisateurs de ne plus être dans l’état de consommateur soumis, imposé par Microsoft & co. Au contraire, les utilisateurs ont désormais la possibilité de modifier les logiciels pour leurs besoins personnels, et d’en faire profiter le reste du monde. Ceci pourrait bien influer sur un avenir qui dans ce domaine s’annonçait plutôt totalitaire. Néanmoins, cette communauté de hackers (composée de chercheurs universitaires ou de bénévoles passionés à travers le monde) n’a pas d’ambition révolutionnaire, et est tout à fait prête à s’accomoder au capitalisme, si celui-ci s’adapte à elle.

1. Historique

La production informatique mondiale a essentiellement trois origines : militaire, commerciale et « indépendante ». Cette dernière est due à des universitaires (relativement libres de l’orientation de leurs recherches) et des informaticiens passionnés indépendants (« hackers »), qui développent par plaisir ou pour la gloire. Historiquement, beaucoup de grandes avancées de l’informatique (comme Internet, Unix, le langage Ada, …) ont comme origine des vastes projets du gouvernement américain (ou de l’armée américaine) qui n’arrivant pas à terme à cause de leur démesure, ont été laissé comme « jouets » à des universitaires. Mais, depuis quelques années des grandes entreprises commerciales (IBM, Intel, Microsoft, …), qui ont la capacité de s’accaparer toutes les innovations, menacent d’asservir totalement l’informatique : un certain nombre de logiciels commerciaux risquent de devenir des « standards » incontournables. 
En réaction, les « indépendants » en impulsant le projet GNU et de la Free Software Foundation (fondation pour le logiciel libre) ont dévéloppé leurs propres logiciels avec des copyrights (appelés avec humour « copyleft ») qui permettent leur diffusion libre (et généralement gratuite), sans que quiconque ne puisse se les approprier. Et ces logiciels comme GNU-Linux ou Gimp concurrencent largement leur principaux « équivalents » commerciaux Windows-NT ou Photoshop. Par exemple, le serveur Web le plus utilisé dans le monde est un logiciel libre (nommé Apache).

2. Mode de production du « logiciel libre »

Si un mode de production « alternatif » (cf. [4]) a pu se développer sur une large échelle dans l’édition du logiciel, cela tient au fait que le coût de copie et de distribution d’un logiciel (par opposition au matériel) est quasi-nul : n’importe quel particulier peut inventer un programme qui va se propager sur l’ensemble de la planète. C’était déjà vrai dans les années 80 (le coût de copie de logiciels se comptait en disquettes), mais c’est encore plus vrai depuis les années 90 avec l’avènement mondial d’Internet : n’importe qui peut mettre ses logiciels sur sa page Web, et n’importe qui d’autre peut le télécharger (au prix de la télécommunication). L’essentiel du coût de production d’un logiciel réside donc dans la matière grise qu’il a fallu mettre en activité pour le « développer » (c’est-à-dire l’écrire). Au contraire, même si les universitaires participent à l’innovation matérielle, leurs inventions ne peuvent être produites en masse que par des entreprises.
Ayant des liens profonds avec le monde universitaire, cette production « indépendante » est souvent publique et collective. Chacun peut regarder le texte des programmes et y apporter ses propres modifications. Unix, un système d’exploitation (logiciel qui permet de gérer un ordinateur) créé dans les années 70, pour fonctionner en réseau, en multi-tâche et multi-utilisateur, est un bel exemple de ce type de production. Aussi, lorsque dans les années 80, AT&T (société américaine privée de télécommunications) s’approprie le copyright de ce logiciel, la communauté universitaire américaine est désemparée de se faire « voler » son bébé. Elle réagit en créant GNU (acronyme de « GNU is Not Unix »), un projet de continuer l’aventure Unix, en logiciel libre, c’est-à-dire protégé par la GPL (license publique générale, cf. [1]) empêchant ainsi des individus de prendre contrôle d’un projet collectif de développement de logiciel.
Cette création collective de logiciel jusqu’alors cantonnée autour de grands centres universitaires (comme Berkeley ou le MIT) s’est étendue à l’ensemble du monde avec Internet. Des milliers de particuliers ont participé au développement de Linux, un système d’exploitation pour PC de type Unix, gratuit, mais qui dépasse largement son commercial et onéreux concurrent Windows-NT. Et même s’il manque encore (mais plus pour longtemps) d’applications bureautiques (traitement de textes, tableur, …) « grand public », il compte aujourd’hui 7 millions d’utilisateurs dans le monde. Ainsi, le mode de dévéloppement même de Linux est une petite révolution dans le milieu. Il va à l’encontre des principes fondamentaux de l’organisation traditionnelle de la production : hiérarchie des décideurs jusqu’aux exécutants, secret commercial et propriété intellectuelle. En effet, n’importe qui peut développer son propre Linux dans le sens où il le désire. Mais, ce projet individuel ne peut prendre de l’envergure que si on parvient à convaincre le reste de la communauté de l’intérêt de ses idées. Pour cela, il faut communiquer…
La communication passe en général par les forums de discussions internet, et éventuellement le courrier électronique. Les participants de ces forums s’échangent des problèmes, des conseils, des solutions, … : chacun participe suivant son temps et ses connaissances pour retirer des connaissances de ces forums en faisant partager les siennes.
Cette forme chaotique de communication est le coeur d’une des principales forces de Linux : sa grande évolutivité. Cela se traduit notament par la fréquence élevée de ses mises à jour : jusqu’à plusieurs fois par semaine pour les versions instables (versions dans lesquelles ils restent pas mal d’erreurs), et de l’ordre d’une fois tous les deux mois pour les versions stables (versions utilisables par des utilisateurs novices). Traditionnellement, la fréquence des mises à jour se mesurent plutôt en année. Ce phénomène fait de GNU-Linux un système extrèmement fiable : étant donné le nombre de développeurs les erreurs sont détectées très rapidement, et elles sont presque aussitôt corrigées. Ainsi, les corrections du dernier bug du pentium (erreur matérielle au niveau du micro-processeur) étaient prêtes sous GNU-Linux quelques jours seulement après sa découverte.
La réussite de ce mode d’organisation tient au fait que la production du logiciel est hautement technique et évolue très rapidement. Un mode de production basé sur la compétition, la hiérarchie et le secret commercial est dans ce cadre nettement moins efficace qu’un mode de production basé sur la collaboration et la communication. En fait, c’est particulièrement évident pour les chercheurs universitaires, qui ont l’expérience qu’aucune recherche scientifique fondamentale de haut niveau n’est envisageable hors d’un cadre non-propriétaire (sans droits d’auteur) et ouvert (les recherches sont rendues publiques).
Le mode de développement du logiciel libre mérite donc sans doute le qualitif d' »anarchiste ». Mais cet anarchisme est assez individualiste. Les individualités qui ont des projets se lancent dedans avec le mot d’ordre « qui m’aime me suive », et si effectivement ils sont suivis, ils deviennent dans la pratique assez incontournables dans les prises de décisions fondamentales. C’est le cas de Linux, projet lancé par un étudiant nommé Linus Torvald (Linux vient de « Linus Unix »). Bien sûr, rien n’empêche ceux qui seraient en désaccord avec ces « leaders charismatiques » du projet, de continuer celui-ci dans leur coin selon leur guise.

3. Enjeux sur l’émancipation de l’utilisateur

Un autre aspect de la « révolution GNU-Linux » est la remise en question de l’utilisation du logiciel. En ayant le texte des programmes (et le droit juridique de les modifier), les utilisateurs ont désormais la possibilité de comprendre comment marche le système d’exploitation, et éventuellement d’aller modifier ce texte pour l’adapter à leurs besoins. Bien sûr, tous les utilisateurs n’ont peut-être pas le temps ni l’envie de devenir programmeur système, mais ils peuvent espérer avoir une plus grande indépendance vis-à-vis des développeurs du système. Par exemple, quand on est chez soi, on aime pouvoir bricoler un petit peu sans être plombier ou électricien. Ben là c’est pareil : on a la possibilité de bricoler ses logiciels sans être un expert. Et si on bricole souvent, on peut finir par devenir soi-même un expert.
Cela peut sembler peu de chose, mais cette possibilité est probablement ce qui fait la différence entre un monde technico-totalitaire, où les individus sont dépendants de quelques experts mondiaux qui protègent jalousement le secret de leur « magie », et un monde où la technique est au service des individus qui peuvent apprendre librement à la dominer.
Pour mesurer l’ampleur de cette ambivalence de l’informatique, à la fois outil de domination ou d’émancipation, on peut s’intéresser au rapport entre l’édition du logiciel et l’école. En effet, celle-ci peut justement soit servir à endoctriner les individus, soit leur apporter les connaissances et l’esprit critique qui en feront des êtres plus libres. D’autant plus que depuis quelques temps, on nous en rabat les oreilles : l’éducation représente un énorme marché (voire LE marché du XXIième siècle). Dans un contexte de privatisation de l’enseignement, le « passage aux nouvelles technologies » ou « la nécessité de combler le retard français » est un prétexte rêvé (par nos gouvernants) pour vendre l’école. Bill Gates (chef de Microsoft, et « self-made-man » le plus riche du monde), qui est politiquement très proche de Tony Blair a déjà passé des accords avec les travaillistes pour équiper les 32.000 écoles britanniques (sans doute en échange de soutiens financiers pendant la campagne électorale). Et le même type d’accord existerait avec les socialistes français.
En fait, depuis mars 1998, Microsoft propose en France un « label Microsoft » aux établissements d’enseignements supérieurs qui le désire. Les conditions d’obtention de ce label sont les suivants : « la formation sur les produits Microsoft doit être dispensée sur la base des supports de cours Microsoft disponibles » (à 350 frs HT par module et par élève), et « l’établissement doit répondre aux conditions de MICROSOFT CORPORATION, en matière de certification des instructeurs, d’installations et d’équipements des salles de cours ». En échange « Microsoft ne garantit pas que les supports de cours Microsoft sont aptes à répondre à des besoins ou des usages particuliers, ni qu’ils permettent d’atteindre des résultats déterminés » (cf. [2]). En clair, pour obtenir ce label, il faut se soumettre totalement aux conditions financières, techniques et pédagogiques de Microsoft. Pourtant, dans la folle course à l’emploi, ce genre de label risque d’être un passage obligé pour les établissements du type IUT ou école d’ingénieur, dont les étudiants sont destinés à servir les entreprises.
Plus concrètement, à quoi va ressembler un cours Microsoft ? Cela va consister à apprendre à utiliser des logiciels Microsoft de bureautique ou de navigation à Internet. Autant de choses aussi peu enrichissantes que peu utiles : quand les élèves sortiront de l’école, les outils qu’ils auront utilisés en classe seront périmés depuis longtemps, et il leur faudra apprendre en utiliser de nouveaux. Maîtriser l’outil informatique ne se résume pas à connaître les détails et les astuces d’utilisation de tel ou tel logiciel. En particulier, il est important d’avoir une attitude critique vis-à-vis des logiciels et du matériel, pour mieux les utiliser, et éventuellement les modifier, en fonction de ses besoins. Mais, l’enjeu pour Microsoft n’est pas d’apprendre aux élèves à se former des jugements sur les outils informatiques; au contraire, il s’agit de leur faire croire que les logiciels Microsoft sont merveilleux, et qu’en dehors d’eux, il n’y a rien.
Face à cela, les logiciels libres offrent une vraie alternative (cf. [3]) : les élèves pourront librement les copier pour les utiliser chez eux (la seule condition financière sera alors d’avoir un ordinateur), et les profs auront la possibilité de montrer ce qu’il y a derrière les petits boutons et les machins qui clignotent. Le fait que GNU-Linux soit une alternative crédible à leurs équivalents commerciaux a motivé en France la création de lobbies universitaires afin que l’éducation nationale utilise les logiciels libres pour s’équiper. Mais la partie est très loin d’être gagnée pour ces lobbies, Microsoft ayant une large avance auprès de la majeure partie des technocrates européens.

4. Incorporation du logiciel libre dans une logique commerciale

Les partisans du logiciel libre ne sont pas des révolutionnaires. Ce sont en général des programmeurs, qui n’ont pas envie de voir le monde du logiciel soumis à quelques grandes multinationales. Même si à l’heure actuelle, leur pratique est essentiellement non-commerciale, ils ne sont pas hostiles à la logique commerciale, surtout si celle-ci peut briser l’hégémonie des éditeurs de logiciels propriétaires. Le meilleur exemple de cet état d’esprit est l’enthousiasme qu’a sucité au sein de la communauté l’annonce de la compagnie Netscape de rendre publique les sources de son navigateur Web. Mais c’est pour résister à la concurrence de Microsoft qui à incorporé son navigateur à son système d’exploitation, que Netscape a décidé au printemps de faire suivre à son navigateur le même mode de développement que Linux. Netscape n’oeuvre pas pour le bien-être de l’humanité, mais pour son propre profit : grâce à la « mise en liberté » de son navigateur, cette compagnie espère que celui-ci va survivre (il était fortement menacé) et qu’elle va pouvoir faire des profits sur les ventes de livres à propos du navigateur, ou les ventes de CD de ce navigateur (même si un logiciel est gratuit sur internet, on préfère parfois acheter le CD, car c’est plus simple à installer), ou sur les ventes de ses autres logiciels (elle profitera de la publicité du navigateur).
Cette stratégie commerciale de Netscape a fortement agité la communauté du logiciel libre, car certains voudraient maintenant faire de la publicité envers les éditeurs de logiciels commerciaux afin de les inciter à passer sous la bannière du logiciel libre. Par exemple, ils voudraient renommer le terme anglais du logiciel libre, « freeware », qui est volontairement ambigüe, car « free » signifie à la fois libre et à la fois gratuit (ce qui évidemment peut effrayer les marchands). Le nouveau terme serait « open source » qui signifie que le texte des programmes est publique.

5. Conclusion :

Ce n’est pas demain le grand soir
.
La communauté du logiciel libre a mis en évidence quelques contradictions du capitalisme. En prenant des principes contraires à ceux des capitalistes, elle a été capable d’avoir une production d’une plus grande qualité technique. Mais la critique de ces contradictions restant très localisée, le capitalisme est déjà en train de s’adapter. Néanmoins, cette expérience est très intéressante, car elle montre que sur une production hautement technique, un comportement libertaire n’est pas utopique. Finalement, le logiciel libre ouvre sans doute des pistes pour résister à l’asservissement par les « Nouvelles Technologies ».

References :

[1] 
FSF. GNU General Public License (GPL).
[2] 
Roberto Di Cosmo. Piège dans le cyberespace.

[3] 
Bernard Lang. Contre la main mise sur la propriété intellectuelle, des logicels libres à la 
disposition de tous, Le monde diplomatique, janvier 1998.
[4] 
Eric S. Raymond. The Cathedral and the Bazaar.